vendredi 30 avril 2010

l'interview du jour

Je tiens à partager cet extrait d'une interview du philosophe allemand Michael Hirsch, parce qu'à la veille du 1er mai, il est bon de réfléchir à la place du travail dans notre société. Cette interview a déjà deux ans mais, franchement, il n'y a pas grand chose à y ajouter.

"La crise de l'Etat-Providence depuis les années 1980 tient d'abord au fait d'un chômage structurel dans nos sociétés. Le chômage structurel met en crise le mode de financement de la solidarité sociale par des cotisations sur l'emploi, par un système d'assurance lié à un emploi stable. le système de l'Etat-Providence reposait sur l'institution du plein emploi, donc du caractère exceptionnel du chômage. Quand le chômage (donc la diminution du montant de temps de travail nécessaire à la production d'un niveau donné de richesses) devient structurel et "normal" au lieu de se présenter comme "exceptionnel" (c'est à dire lorsqu'il devient une réalité persistante tant dans les vies de chacun qu'à l'échelon de la société), le système social n'a plus d'assise financière et politique. L'importance structurelle du travail précaire détruit aujourd'hui le fondement et l'égalité du système social. Elle crée des inégalités fortes. La Sécurité sociale, avec ses trois éléments que sont l'assurance-chômage, l'assurance-maladie et l'assurance-retraite, se transforme ainsi en un instrument d'inégalisation croissante de la société, et de destruction de la solidarité sociale. Afin de garantir la solidarité, la Sécurité sociale doit par conséquent être déliée de l'institution d'un emploi stable. Si tel n'est pas le cas, les Etats instaurent _ comme on peut l'observer aujourd'hui _ un régime d'exception permanente dans le champs de la politique sociale.

"Je ne préconise pas du tout d'en finir avec l'Etat. L'Etat n'est pas à la source du chômage, mais à la source d'une définition fausse du problème du chômage, et donc d'une description entièrement fausse et réduite des options politiques, sociales et économiques à discuter. Cette fausse définition soutient l'idée que le problème du chômage est un problème de manque d'emplois et que l'Etat à pour rôle d'en créer. D'où un Etat activiste qui, au lieu d'assurer une sécurité sociale à chaque citoyen (c'est à dire un revenu suffisant pendant toutes les phases de la vie, jeunesse et vieillesse comprises, et l'accès au système médical), lie l'aide sociale à l'obligation d'un travail quelconque. Autrement dit, l'Etat subventionne les mauvais emplois, les petits boulots. Aux Etats-Unis, en Angleterre, en Allemagne et en partie en France, il a introduit le travail obligatoire. Autrement dit, l'Etat répond au problème du chômage par un régime d'occupation permanent par lui-même (son appareil administratif) et les sujets concernés (stages, formations, contrôles,...). La Sécurté sociale devient ainsi un instrument répressif du gouvernement des sujets. Pour éviter ce problème, il faut d'un côté redéfinir et réduire la tâche de l'Etat et, de l'autre, redéfinir le problème du chômage. D'abord, partir de la thèse selon laquelle il n'y a pas de problème de l'emploi. Le problème, c'est celui d'une nouvelle répartition des richesses, des fonctions, des capacités et du respect.

"Au coeur d'un projet politique progressif, il y a deux propositions. D'un coté, la proposition d'un revenu social garanti qui remplace les structures administratives et répressives de l'Etat-Providence. De l'autre, la proposition classique, qui se trouve déjà chez Marx, d'une diminution radicale et d'une nouvelle répartition des heures de travail pour tous. Deux buts sont donc poursuivis : premièrement, créer un revenu social garanti qui ne soit pas une indemnité de chômage mais un droit social constitutionnel ; et, deuxièmement, créer du temps disponible pour tous en dehors du travail payé. Le nouveau projet politique doit partir de la thèse centrale suivante : il faut rompre avec la société de travail entendue comme un système qui centre la vie de chacun sur le travail salarié. Ce qui est fini, ce qui doit finir, ce n'est pas seulement le "plein-emploi", mais c'est plus précisément le "plein emploi du temps", c'est à dire la centralité temporelle, juridique et culturelle du travail payé dans nos vies. La tendance inégalitaire qui caractérise nos sociétés résulte de la sauvegarde d'un modèle obsolète de la vie et du travail. Nous ne manquons pas d'emplois. Comme le dit André Gortz, la travail et la société de travail ne sont pas en crise parce qu'il n'y aurait pas assez à faire, mais parce que le travail dans un sens très spécifique est devenu moindre et parce que ce qui reste à faire appartient de moins en moins à ce type de travail salarié. L'alternative est donc simple. Soit on soumet ces activités de type non économique à une logique économique et on fait des petits boulots subventionnés par l'Etat. Soit on les libère selon leur propre logique sociale du don et de l'échange autonome. La tâche future consiste à créer un société de la multiactivité qui redistribue de façon égalitaire les activités et les capacités économiques, culturelles, affectives, sociales, politiques, etc. La base de cette société sera un revenu garanti et la diminution radicale des heures de travail pour tous. L'objectif d'une telle politique de réforme est de libérer les activités de type non rentable de la logique économique et symbolique de "l'emploi", entendu comme le signe d'une justification sociale de mon existence. C'est pourquoi la société de la multiactivité doit partir d'une axiomatique forte : la dignité absolue, inconditionnelle de l'homme qui, dans les conditions actuelles, se voit systématiquement détruite."

jeudi 29 avril 2010

le pulitzer du jour

remporté par Thomas Mankowski, journaliste de Sud Ouest à Villeneuve-sur-Lot (47), grâce à cet extrait d'un article paru aujourd'hui sur les nouveaux visages de l'UMP villeneuvois :
"Interrogé, l'intéressé préfère rester dans l'ombre : « Je sais que mon nom circule mais j'insiste, je ne suis pas pour le moment candidat. » Comprendre : pas question de titiller les subtilités dans le camp."

Le jury a estimé qu'un tel effort de clarification du propos était à saluer.

la médaille du l'hypocrisie du jour

attribuée avec mention à Alain Juppé, le très innocent maire de Bordeaux qui tombe des nues après la diffusion sur france2 d'un reportage sur les catholiques intégristes qui occupent l'église St Eloi.

"Quoi ? Comment ? des intégristes violents dans ma ville et je ne suis pas au courant ? mais que fait la police ?" Voilà, à peine résumée, la réaction de notre candide édile.

Et pourtant...
Le tribunal administratif avait invalidé la délibération accordant à la confrérie St Pie X le droit d'occuper l'église. Cette décision avait ensuite été confirmée par la cour administrative d'appel. Pourtant la mairie à fait preuve d'un empressement peu commun à ne pas appliquer la décision.
A maintes reprises, les occupants ont multiplié les provocations (célébration de messes en l'honneur de Pétain, baptême de la fille de Dieudonné en présence de Le Pen,...) et à maintes reprises les associations de lutte contre le racisme et l'antisémitisme ont manifesté, alerté l'opinion et le maire. Mais rien.
Mais que fait la police ? Pendant plusieurs mois les forces de l'ordre protégeaient les abords de l'église pour que les intégristes ne soient pas importunés. A croire que la présence illégale de certaines populations est "visiblement" plus dérangeante que d'autres.

Et aujourd'hui le maire s'insurge. Bien joué M. Juppé.