mercredi 4 août 2010

la course du jour

C’est celle remportée par le duo Mekhissi–Tahri à Barcelone, et qui me permet de revenir sur la distinction fondamentale qui existe entre la compétition et l’émulation.

Les deux athlètes français faisaient face à une alternative. Soit ils courraient chacun pour soi en essayant de faire mieux que les autres, soit ils décidaient de construire leur course ensemble pour faire le mieux possible en établissant un chrono de niveau mondial. Il me semble qu’ils ont fait le bon choix.


Il existe en effet deux manières de progresser. On peut progresser de manière relative, par rapport aux autres. Cela implique d’abord l’existence de deux parties distinctes de la population qui ne progressent pas au même rythme. Cela implique aussi qu’il n’est pas nécessaire de progresser beaucoup du moment que les autres progressent encore moins. On peut même en arriver à s’accommoder d’une situation où l’on ne progresse pas du tout parce qu’on observe les autres subir une régression. On peut aussi envisager de freiner sciemment la progression des autres pour avoir l’impression de progresser plus vite. Dans tous les cas, on peut se demander où est véritablement le progrès. C’est, pour moi, la simple définition de la compétition : l’important est d’être au-dessus de l’autre.

On peut aussi progresser de manière absolue, non pas en faisant mieux que les autres mais en faisant le mieux possible. Dans ce cas, la progression des autres n’est pas un obstacle, mais plutôt une opportunité de prendre exemple, ou un défi à soi-même de faire encore mieux alors qu’on pensait être au maximum de ses possibilités. Voilà ce qu’est, pour moi, l’émulation : tirer des progrès des autres la motivation pour faire toujours mieux.
On le voit, l’approche n’est pas du tout la même.

Je pense néanmoins que ce qui fait qu’on penche plutôt pour l’une ou l’autre logique, c’est avant tout le but que l’on se fixe.

Dans le système capitaliste qui régie actuellement les relations entre les humains, l’indicateur de progrès est la production, l’accumulation et la concentration des richesses. Or ces richesses, sauf à croire au mythe de la croissance infinie, sont naturellement limitées. L’enjeu est donc bien la manière dont seront réparties les parts du gâteau et la lutte pour avoir la part la plus grosse par rapport aux autres. En tous cas, plus on accumule, plus on prive les autres. Que ce soit au niveau des états, des entreprises, des individus, la compétition fait rage. Jaurès lui-même avait ce mot : «le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage».

Les socialistes ne peuvent donc pas cautionner ce système, d’aucune manière et quels que soient les aménagements qu’on y apporte. Ils doivent au contraire travailler à définir de nouveaux indicateurs de progrès sur la base de richesses illimitées telles que le niveau d’émancipation, le bien-être, ou que sais-je encore. En tous cas, le genre de richesses qui ont une propriété magique : plus on les partage et plus on en a soi-même. On verra alors que les rapports humains s’en trouveront nécessairement modifiés puisque écraser l’autre rapportera moins que de le pousser à progresser aussi. On verra alors la coopération prendre le pas sur l’exploitation, et l’émulation sur la compétition.