mercredi 23 mai 2012

La crédibilité du jour

C'est celle qui change de camp.

Ce 22 mai 2012 est un jour historique au Québec. Evidemment, c'est un peu compliqué de savoir si oui ou non ce jour précis sera retenu dans les livres, mais il marque le 100e jour de mobilisation des étudiants contre la hausse des frais de scolarité dans l'enseignement post-secondaire, ce qui en fait, et de loin, le conflit étudiant le plus long de l'histoire du Québec. Il marque surtout le jour où le gouvernement libéral de Jean Charest perd toute crédibilité.

En s'obstinant à ne pas offrir des discussions franches et sans tabous avec les associations étudiantes, en les renvoyant aux débordements violents qui ne sont le fait que de groupuscules, en utilisant inlassablement les forces policières, débordées, fébriles et donc brutales, il avait déjà perdu l'appui d'une certaine partie conscientisée de la population. Mais les chroniqueurs de droite se relayaient pour expliquer que le Premier ministre avait bien raison de ne pas céder aux revendications folles de ces "enfants gâtés" qui refusent de faire leur "juste part" et qui veulent continuer à mener "la belle vie" sur le dos des "honnêtes contribuables qui, eux, travaillent" [je pense que toutes ces expressions ont du se retrouver au moins une fois dans les éditoriaux de Richard Martineau].

Mais les bavures au sein même des établissements scolaires, les blessés sous les coups de la police, et les rafles massives de manifestants ne calmant pas les ardeurs de ceux qui ont déjà fait le deuil de leur session, Jean Charest a décidé d'arrêter de prendre des gants. La démission de la ministre de l'éducation Lyne Beauchamp, certainement jugée trop faible, a permis de redonner ce portefeuille à Michelle Courchesne qui avait déjà sévit à ce poste lors de la crise précédente.

Sévir, c'est bien de cela qu'il s'agit puisque le gouvernement a déposé dans la foulée une loi spéciale, dont le numéro 78 restera tristement célèbre. Une loi spéciale adoptée le 18 mai à l'issue d'une procédure d'urgence qui vise, entre autres subtilités, à réduire drastiquement la liberté d'expression et de manifestation pour les mois à venir. Les observateurs, même les plus libéraux, ont commencé à tordre du nez, s'inquiétant d'une possible radicalisation du mouvement en réaction à cette provocation du pouvoir et aussi parce qu'ils ont bien senti que les valeurs libérales, pourtant si consensuelles au Québec, en avaient pris un coup. Les associations, en particulier la CLASSE, ont pour leur part effectivement appelé à désobéir à cette loi.

Tout le monde attendait donc ce 22 mai, jour de manifestation prévu de longue date. Manifestation qui a tenu toutes ces promesses. D'abord par l'affluence, établissant un nouveau record. Mais aussi parce que les organisateurs du cortège n'ont effectivement pas respecté le tracé communiqué. En vertu de la nouvelle loi, la manifestation devenait aussitôt illégale mais, devant l'ampleur et le pacifisme du mouvement, la police s'est contenté d'escorter tout ce monde jusqu'au point d'arrivée. C'était ça ou arrêter des dizaine de milliers de personnes. Démonstration est faite, cette loi est scandaleuse et ne sert à rien.

En réalité, elle a été utile pour faire de ce mouvement étudiant un véritable mouvement social qui est désormais couvert par la presse internationale. On a même manifesté, de Paris à New York, pour soutenir ce qu'on appelle maintenant le "printemps érable". Le gouvernement libéral est toujours plus isolé et décrédibilisé alors que les étudiants ont démontré leur capacité à faire durer un mouvement qui n'est définitivement pas qu'un caprice d'enfants-rois.

Le déluge qui s'abat depuis ce matin sur la veille capitale doit bien illustrer le moral du Premier ministre, en exercice depuis près de dix ans, et dont tout le monde s'accorde à dire que le départ serait le solution la plus efficace pour mettre un terme au conflit.

vue aérienne du départ de la manifestation

mardi 22 mai 2012

La jeunesse du jour

Ce n'est pas si simple de définir la jeunesse, pour moi, parce que je n'arrive pas à la concevoir comme un ensemble uniforme. Mais il y a visiblement un point commun à tous les jeunes, comme une définition en creux : ils posent un vrai problème à leurs aînés.

Des jeunes qui veulent renverser la société, l'ordre établi ou quoi que se soit, il y en a toujours eu. Et fort heureusement pour le progrès de l'humanité. Mais pour la première fois dans l'histoire, ils font face à une masse vraiment imposante de personnes âgées. Autrefois, les vieux étaient morts. Maintenant ils vivent longtemps. A priori, c'est une chance pour partager et s'enrichir mutuellement. Mais ce n'est pas possible sans, au préalable, une écoute réciproque et une juste répartition des pouvoirs et des richesses. C'est là que le bât blesse car ils ont le pouvoir, ils ont l'argent, ils ont vécu leur jeunesse durant les 30 glorieuses et en ont un souvenir qui les rend sourds à la vie réelle des jeunes d'aujourd'hui.

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, avec la reconstruction, avec la décolonisation, tous les pays ou presque se sont dotés de nouvelles institutions adaptées aux réalités de l'époque. Mais le sont-elles encore ?

Jusqu'en 1989, le Mur de Berlin plaçait le monde face à une alternative politique simple et claire qui structurait la pensée de chacun. Les jeunes nés en 1989 et après atteignent désormais l'âge d'être des citoyens à part entière et n'ont jamais connu rien d'autre que le capitalisme mondialisé et ses crises à répétition. Peut-on s'étonner qu'ils rejettent ce modèle ? Ne peut-on entendre que certains essaient d'en imaginer un autre ?

La libération des mœurs et l'apparition des moyens modernes de contraception ont donné à toute une génération la chance de s'aimer librement. Mais avec l'apparition du Sida, les jeunes d'aujourd'hui n'ont jamais pu envisager cet acte aussi simple, aussi naturel, aussi instinctif que l'amour sans avoir à considérer la mort, sans cette atroce suspicion vis-à-vis de celui ou celle avec qui on va pourtant être si intime. Est-il possible que cela crée une sorte de frustration plus ou moins consciente ?

L’environnement a indéniablement été endommagé par ceux qui n'auront pas à en subir les conséquences parce qu'ils vont mourir. Mais peut-on écouter l'inquiétude et le sentiment d'injustice légitimes de ceux qui vont vivre ce siècle et qui vont devoir assumer ces choix qu'ils n'ont pas fait ?

Alors vient le jour où une goutte d'eau fait déborder le vase.

Vient le jour où, poussé à bout par un régime totalitaire et corrompu, un jeune marchand ambulant s'enlève la vie et où ses camarades décident de ne pas accepter cet ultime injustice.

Vient le jour où cette génération se fait expliquer par des décideurs, des experts auto-proclamés, qu'elle n'a jamais élus et en qui elle n'a aucune confiance, qu'il est temps de régler des dettes qu'elle n'a jamais contractées et où elle décide de se tenir debout.

Vient le jour où des gouvernements endoctrinés tentent, après avoir dilapider le bien public au profit d'amis financièrement puissants, de convaincre les jeunes que c'est à leur tour de "faire leur juste part", c'est à dire de payer pour prendre soin de la génération précédente en même temps que d'assumer tous seuls leurs propres besoins et d'investir pour les générations futures.

Chaque jeune est une personne à part entière, différente de son voisin du même âge, avec sa réalité et ses aspirations propres. Mais dans les yeux de ceux qui ne les considèrent pas comme des citoyens adultes, qui ne les entendent ni ne les voient, qui les caricaturent pour faire mine de les connaître, ils ne forment qu'une seule jeunesse. Et le temps est arrivé qu'elle prenne le pouvoir. Cela se passera de toutes façons. Espérons simplement que ceux qui le détiennent seront assez responsables pour le partager de bonne grâce sinon, et les évènements actuels le montrent, non seulement ils perdront parce qu'on ne gagne pas contre le sens de l'histoire, mais ils seront responsables devant l'histoire.

l'une des affiches créées par l'Ecole de la Montagne Rouge pendant le mouvement étudiant qui agite le Québec

jeudi 17 mai 2012

L'équilibre du jour

C'est celui du nouveau gouvernement français.

Pourtant j'ai cherché la petite bête. Mais non, la France a un gouvernement équilibré qui n'a plus qu'à tenir ses promesses, ce qui n'est quand même pas la moindre des tâches.

Dans mon dernier billet sur le choix du Premier ministre, j'avais clairement pris parti pour Martine Aubry, pour des raisons qui n'auront pas surpris ceux qui me connaissent et ont l'habitude de me lire. Mais François Hollande a fait le choix de Jean-Marc Ayrault plutôt que Martine Aubry, le choix de la confiance absolue plutôt que celui du partage du leadership. Tant pis pour la 6e. Dans ces conditions, le choix de n'attribuer aucun portefeuille à Martine Aubry, pour l'instant, est à la fois stratégique et responsable. Stratégique car que n'aurait-on entendu sur l'incapacité du Président à trancher si, une fois fait le choix de son Premier ministre, il avait donner un "super-ministère" à la principale concurrente de ce dernier ? On l'aurait accusé, à juste titre, de retomber dans son travers du compromis à tous prix, quitte à risquer la paralysie. Responsable aussi car Martine Aubry a démontré sa capacité à mettre la Parti Socialiste en ordre pour gagner des élections, et c'est essentiel que cette dynamique ne s'éteigne pas avant les législatives.

D'autant plus responsable que ce choix est vraisemblablement concerté de part et d'autre. Comment croire qu'il y ait un conflit ouvert entre François Hollande et Jean-Marc Ayrault d'une part, et Martine Aubry d'autre part, alors que la garde très rapprochée de cette dernière est intégrée au gouvernement ? Il semble inconcevable que Marylise Lebranchu ou François Lamy ait accepté un maroquin sans avoir eu une discussion préalable avec la Première secrétaire.

Ce qui me ramène à mon premier point : l'équilibre. Tout est respecté dans ce gouvernement. La parité d'abord, pour la première fois dans l'histoire et c'est, plus qu'un symbole, la volonté de montrer que les promesses seront tenues. Ça change. Mais c'est aussi un équilibre subtil entre les proches de toujours du Président, ceux ralliés suite à la disparition de Dominique Strauss-Khan et ceux qui, après la primaire, ont loyalement fait la campagne. Plus les écologistes, en respect des accords. Respecté aussi l'équilibre entre les générations, les sensibilités, ou encore l'origine géographique. Je n'ai pas encore trouvé de point sur lequel il y aurait un déséquilibre flagrant, mais j'attend les commentaires de mes lecteurs qui ne manqueront pas de m'ouvrir les yeux.

Le bon équilibre, enfin, celui qui donne sa stature au Président de la République, c'est d'arriver à trancher tout en rassemblant. Et pour le moment, c'est assez probant. Certes la nomination de Jean-Marc Ayrault a fait grincer quelques dents mais toute velléité s'est tue à l'annonce du gouvernement. Et pour autant, les promesses sont effectivement tenues les unes après les autres, selon un ordre et un plan qui semble mûri de longue date et dont le Président n'a visiblement pas l'intention de dévier. La fin de l'improvisation au sommet de l'Etat ? C'est ce qu'il semble et, dans ce cas, effectivement, le changement c'est maintenant.


jeudi 10 mai 2012

Le Premier ministre du jour

Ce devrait être Martine Aubry.

Il ne faut pas lire dans ce "devrait" une prémonition que j'aurais lue dans les entrailles de je ne sais quel animal politique ou dans le vol de je ne sais quel oiseau de bon augure, mais une affirmation de mon avis tout personnel sur ce qu'il conviendrait le mieux de faire.

A l'heure où je rédige ceci, il semble qu'aux yeux des analystes de la vie politique, les finalistes soient Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes et président du groupe socialiste de l'Assemblée Nationale, et donc Martine Aubry, maire de Lille et chef du Parti Socialiste. Premier point que je souhaite éclaircir : le Président de la République est seul à prendre cette décision et peut nommer qui bon lui semble. Une surprise n'est donc pas à écarter.

Mais il semble qu'on puisse prendre au sérieux ces pronostics. Alors comparons. François Hollande a clairement dit durant la campagne, en regardant Nicolas Sarkozy dans les yeux : "Moi Président de la République, je ne serai pas le chef de la majorité. Moi Président de la République, je ne traiterai pas mon Premier ministre de collaborateur." C'est clair. Il veut quelqu'un qui soit clairement capable de rassembler la majorité parlementaire et de la faire travailler, mais aussi quelqu'un qui gouverne pleinement et qui ne soit pas à plat ventre devant lui, le Président de la République.

Sur le premier point, chacun des candidats putatifs a des atouts à faire valoir. Jean-Marc Ayrault est d'ores et déjà le chef des députés socialistes. Il connait l'ingénierie parlementaire, il sait rassembler ses collègues et dégager des consensus. Ces qualités sont primordiales, surtout si la majorité est plurielle. Mais Martine Aubry n'est pas en reste, elle qui a su remettre un Parti Socialiste exsangue en ordre de marche en donnant sa place à chacun, qui a permis l'exploit d'organiser des primaires ouvertes dont personne n'a remis en cause la réussite ni la légitimité et dont le Parti est sorti encore plus fort et rassemblé derrière son candidat. Elle qui traite, aussi, avec les autres partis de gauche depuis plusieurs années déjà et qui a déjà conclu un accord parlementaire avec les écologistes. C'est elle, enfin, comme chef du Parti qui va logiquement mener la bataille des législatives.

Sur ce premier critère, selon moi, Martine Aubry l'emporte aux points puisqu'au simple rassemblement elle apporte l'assurance de la mise en dynamique.

Sur le gouvernement, quelle est l'expérience de Jean-Marc Ayrault ? Tout comme François Hollande, il n'a jamais été ministre. Le Président élu nous a prouvé que ce n'était pas rédhibitoire, mais on peut quand même se demander si faire un doublet serait vraiment judicieux. D'autant que François Hollande s'est toujours justifié sur ce point en expliquant qu'en tant que chef du Parti il était toujours associé aux décisions du gouvernement de Lionel Jospin. Or c'est Martine Aubry qui lui a succédé dans cette fonction. Martine Aubry qui a été ministre a plusieurs reprises et numéro deux du gouvernement Jospin, qui a eu à porter les dossiers emblématiques de ce gouvernement (réduction du temps de travail, emplois jeunes, couverture maladie universelle, etc...) et qui l'a fait avec force et brio.

Mais en admettant même qu'on fasse l'excuse de l'expérience à Jean-Marc Ayrault, qu'en est-il de son potentiel caractère comme chef du gouvernement ? Il faut rappeler qu'il a toujours été dans le même courant que François Hollande au sein du Parti Socialiste, il ne l'a donc jamais affronté mais toujours suivi. Tout ce qui a pu être reproché au nouveau Président lorsqu'il dirigeait le Parti quant à son manque de fermeté idéologique, quant à son incapacité à trancher s'applique exactement au président du groupe socialiste. Mais si François Hollande a pu prouver tout au long de la campagne que ces critiques ne valaient plus, la première décision du maire de Nantes pour se libérer la voie vers Matignon a été de "prendre du recul", comme il l'a dit, sur le dossier de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui l'oppose depuis plusieurs années aux écologistes et agriculteurs de sa région. Prendre du recul, c'est à dire reculer.

 Martine Aubry a, sur le fond, toujours été proche de François Hollande. Mais elle a su s'en démarquer lors du dernier congrès, qu'elle a remporté, alors qu'il laissait le Parti dans un état catastrophique. Elle a remis les militants au travail et s'est entourée d'intellectuels, de Fabienne Brugère, jeune philosophe, à Axel Khan, généticien reconnu et spécialiste des questions bioéthiques. Elle a tiré de toutes ces réflexions collectives un véritable projet de société, une vision, autour du concept de care. Vision qu'elle a pu développer lors de sa campagne des primaires et qui l'a tout de même amener au second tour face à François Hollande. Au lendemain de ce duel, sans état d'âme, elle a lancé toutes les forces du Parti qu'elle a reconstruit dans la campagne en faveur de son concurrent d'hier. Malgré les rumeurs d'incompatibilité personnelle entre eux, elle a fait preuve d'une loyauté et d'un enthousiasme sans faille.

Si François Hollande veut tenir sa promesse, donner à la France un Premier ministre qui soit le véritable chef de la majorité et le véritable chef du gouvernement, je pense qu'il y a peu de doutes sur laquelle, de Jean-Marc Ayrault ou Martine Aubry, peut le mieux s’acquitter de ces responsabilités.

En ce 10 mai, on peut aussi se souvenir que François Mitterrand, en 1981, avait fait confiance à Pierre Mauroy, son adversaire dans les congrès et... maire de Lille.

mercredi 9 mai 2012

Le troll du jour

C'est Maryse Joissains-Masini, sorte de Nadine Morano botoxée façon bouillabaisse.

Pour les non-initiés, un troll est une personne qui occupe délibérément un espace de débat, en particulier sur internet, avec des arguments outranciers pour décourager tout contre argumentaire raisonnable et les participants de bonne foi. La campagne présidentielle a été l'occasion de révéler un bon nombre de talents dans ce domaine, de tous les bords de l'échiquier politique. L'utilisation accrue de twitter a fait que des militants de bonne foi mais fanatisés ou avec peu de recul sur un discours formaté sont tombés, malgré eux, dans le trollage.

Le cas de Maryse Joissains est un peu particulier. La maire d'Aix-en-Provence a fait une première déclaration dès l'annonce des résultats pour considérer que l'élection de François Hollande n'était pas légitime. Le mot est fort et en contradiction totale avec la ligne de l'UMP, son parti. Mais on pouvait mettre ce dérapage sur le compte de l'émotion et de la déception. Seulement voilà, il y a eu récidive et, plus encore, Maryse Joissains a déposé un recours devant le Conseil Constitutionnel.

Ce n'est donc pas seulement une déclaration malheureuse, c'est un acte politique avec un objectif et reposant sur une stratégie. Reste à savoir lesquels. Alors je me lance dans une proposition et la comparaison avec Nadine Morano, ministre plus chargée des annonces tonitruantes visant à détourner l'attention que de la formation professionnelle, au-delà de la classe naturelle qu'elles ont en commun, prend tout son sens. Maryse Joissains n'est pas seulement maire, elle est aussi députée des Bouches-du-Rhône, candidate à sa succession en juin prochain. Dans le contexte d'élections législatives dont l'enjeu principal est de donner ou non une majorité au Président élu pour gouverner, les candidats dans les 577 circonscriptions ont logiquement un peu de mal à tous accéder à la notoriété dont ils rêvent. Or la stratégie trollatoire de Maryse Joissains lui confère d'un seul coup une présence médiatique largement supérieure à n'importe lequel de ses concurrents dans sa circonscription et sans que cela ne lui coûte le moindre centime. Quand on sait que c'est justement sur la question des frais de campagne que porte son recours, dont elle est parfaitement consciente qu'il n'aura aucune suite, contre l'élection du nouveau Président, on peut mesurer toute l'ironie de cette situation et le cynisme dont peuvent faire preuve celles et ceux qui sont prêts à tout, et surtout n'importe quoi pour exister.


mardi 8 mai 2012

Le caméléon du jour

C'est Nicolas Sarkozy.

Celui qui est encore Président de la République en exercice pour quelques jours sera rentré dans tous les costumes durant cette campagne. Il a d'abord voulu reprendre la posture de François Mitterrand, Président serein qui laisse le temps au temps, le premier à affronter victorieusement une réélection. Mais pressé par l'UMP paniqué à la vue des sondages et conseillé par des anciens (parfois pas si anciens) de l'extrême droite qui ont la haine de tout ce qui est de gauche chevillée au corps, il finit pas céder et anticipe sa candidature. Dans la précipitation, il semble même oublier que Mitterrand, tout comme Chirac, a été réélu alors qu'il sortait d'une période de cohabitation et que donc la politique gouvernementale ne pouvait lui être imputée. Comment le Président de tous les pouvoirs pouvait-ils jouer ce rôle ? De plus, Mitterrand avait un vrai bilan symbolique dont il pouvait être fier, avec l'abolition de la peine de mort, la dépénalisation de l'homosexualité, les radios libres, etc. Toutes ces choses qui font qu'un Président peut rassembler les républicains au delà de son camp. Ça ne pouvait pas marcher.

Face à ce premier échec stratégique, il a pris le costume de Giscard, le Président qui a l'expérience des crises et qui est le plus compétent pour continuer à conduire le pays dans la conjoncture actuelle. Mais il fait face aux mêmes écueils que ceux qui ont fait perdre son prédécesseur : le bilan catastrophique, les affaires, la stature internationale pas si reluisante... Les mêmes causes produisant les mêmes effets, auxquels on peut ajouter la teinte brune qui a coloré tout son mandat et qui s'est particulièrement accentuée entre les deux tours, l'échec stratégique est devenu un échec tout court. François Hollande est le nouveau Président de la République.

Mais Nicolas Sarkozy tente une nouvelle expérience. Maintenant qu'il part, peut-être songe-t-il enfin à la trace qu'il va laisser. Alors il tente la stratégie Chirac. Le Président bonhomme qui fait un discours d'adieu tout personnel et bien simple, qui invite benoîtement son successeur à le seconder dans les cérémonies officielles, en républicain exemplaire. Dira-t-on bientôt de Sarkozy ce qui se dit de Chirac ? Ce Président, petit vieux un peu gaga qui est finalement bien sympathique et à qui on excuse bien des choses ? Nouvelle erreur s'il l'on m'en croit.

Car d'abord Sarkozy ne part pas parce qu'il est vieux, mais parce qu'il a perdu. Là encore il se destine plutôt à une longue carrière à la Giscard, errant dans les limbes tel celui qui a été mais dont on ne peut pas encore dire qu'il n'est plus. Puis si on regrette Chirac, c'est parce que Sarkozy lui-même. Difficile de croire qu'on va regretter Sarkozy parce que Hollande. Enfin et surtout parce que Chirac s'est engagé très tôt dans la voie de la vacuité politique, laissant gouverner le gouvernement, ce qu'on ne saurait lui reprocher d'ailleurs. Il n'a finalement été lui-même en première ligne que pour la gloriole comme lors du veto français à la guerre en Irak. Sarkozy a d'emblée fait le choix d'être responsable de tout. Il faudra donc qu'il assume et la semaine qui le sépare de l'investiture de son successeur ne suffira pas à faire oublier toutes les bonnes raisons pour lesquelles les français n'en veulent plus. Et espérons que la justice ne va pas non plus lui accorder ce traitement de faveur.

Finalement, Nicolas Sarkozy n'est que lui-même. Il avait pensé sa vie pour devenir Président et, une fois fait, tout n'a été qu'improvisation. Maintenant c'est sa famille politique qui va en faire les frais. Son attitude soudain républicaine coupe court à la stratégie de "3e tour" des législatives développée par l'UMP en donnant toute légitimité à François Hollande. Et tout son mandat ayant renforcé la frange tentée par le rapprochement avec l'extrême droite face aux républicains de souche gaulliste, le parti sort de cette campagne profondément divisé.