mardi 18 août 2015

La peur panique du jour

C'est celle de Philippe Couillard, le premier ministre du Québec.

Pour marquer sa rentrée politique, en pleine campagne fédérale, monsieur Couillard a été très clair sur ce qui constitue sa principale préoccupation: que le Québec puisse devenir indépendant.


En fait, il y avait deux possibilités: qu'il parle de l'élection fédérale ou qu'il se concentre sur le Québec. Dans le premier cas, il aurait pu se montrer préoccupé par la prise en compte de la voix du Québec par les forces en présence, il aurait pu rappeler les points que l'Assemblée nationale a maintes fois réaffirmés, unanimement, et exiger que les candidats à la direction du gouvernement canadien prennent des engagements fermes. Mais sa liste de "revendications" ressemblant plus à une génuflexion devant le grand frère canadien, on a vite compris qu'il préférerait parler du Québec.

Ce que Philippe Couillard n'a visiblement pas compris


Sérieusement, vu les préoccupations des Québécois en cette rentrée (l'éducation, son coût pour les familles, les coupures de services dans les écoles et les services de garde ou, encore et toujours, la santé, son coût et les difficultés croissantes que rencontrent les malades, les aînés ou encore l'emploi puisque le fameux effet libéral vient de classer Montréal au rang de la pire ville canadienne en matière de chômage), il y avait de quoi dire et, sans même faire amende honorable - on n'en attend pas autant de sa part - il aurait pu au moins faire preuve de volontarisme pour redresser la situation.

Et bien non, le principal enjeu du Québec, selon Philippe Couillard, c'est de barrer la route aux indépendantistes. Sa principale préoccupation est qu'il n'y ait pas de référendum sur la question. Mais j'ai une petite information, qui est peut-être passée inaperçue aux yeux de monsieur Couillard, ce qui expliquerait d'ailleurs bien des choses, c'est lui le premier ministre! Son parti est largement majoritaire à l'Assemblée nationale! Donc, sauf incompétence rare, mais visiblement possible, de sa part, la question ne devrait pas se poser avant au moins les prochaines élections générales en 2018. Que les indépendantistes parlent d'indépendance dans l’intervalle, après tout, c'est assez naturel. Qu'un premier ministre fédéraliste en fasse son enjeu principal, c'est révélateur d'un manque cruel de confiance.

La peur panique


Alors il est d'autant plus étonnant que cette question préoccupe Philippe Couillard. Et, vu sa véhémence quand il aborde le sujet, préoccupation est un faible mot. Il s'agirait plutôt de crainte fébrile, voire de peur panique. 

Et peur de quoi, au juste? Car à l'en croire, ce processus démocratique qui conduit une nation à affirmer son indépendance, comme l'on fait tant d'entre elles au XXe siècle, à commencer par le Canada, serait l'équivalent de voir s'abattre sur nous toutes les plaies d'Égypte. Allons, allons, ressaisissez-vous, monsieur Couillard. Faites preuve au moins d'un peu de maîtrise, de responsabilité et, un peu plus souvent, rappelez-vous que vous êtes aux commandes des destinées du peuple québécois. Tout le peuple québécois, dans sa diversité idéologique. Jusqu'en 2018, tout du moins.

dimanche 16 août 2015

Le dialogue du jour

C'est celui que je veux avoir avec Corentin, qui a décidé récemment de partager ses réflexions avec le monde entier. Bonne idée. Sur son blogue, il pose une question assez pertinente: "Google est-il un nouvel État?". Si, si, lisez-le, c'est vraiment pertinent.

Il y aurait donc, selon Corentin, une sorte de lutte actuellement entre les États et les entreprises de la taille de Google pour, dans un premier temps, se faire les commanditaires de l'innovation (le privé a clairement gagné ce point depuis un moment ; avant Google, il y a eu Virgin, par exemple) et, dans un second temps, offrir des services essentiels aux citoyens/consommateurs. Et je suis parfaitement d'accord avec Corentin, les citoyens semblent se tourner de plus en plus vers Google. Il ne faut pas oublier que les communications ont longtemps été un monopole de l'État (poste, téléphone, télégramme, PTT, ça vous dit quelque chose?). Ce temps est révolu. Maintenant, la question se pose y compris au niveau de la santé, de l'éducation. Il s'agit d'un enjeu formidable et d'une question démocratique cruciale.

En politique tout est question de confiance 


De plus en plus, les citoyens se désintéressent des idéologies (d'ailleurs, quelles idéologies quand finalement tous les partis au gouvernement se rallient invariablement au néolibéralisme?) ainsi que des petits jeux politiciens que jouent entre-eux ceux et celles qui ne sont que d'illustres inconnus aux yeux du plus grand nombre. Lors des élections, nous assistons désormais a une sorte de grande manipulation où tout se joue selon l'image que les médias donneront de tel ou tel dans la dernière ligne droite.

Dans cette course à l’échalote, on demande a un citoyen sans repère de jouer l'arbitre. Chacun, conscient au moins qu'il doit confier quelque chose d'important à celui qui va l'emporter, fait logiquement, humainement, le choix de celui en qui il a le plus confiance à ce moment précis. Peu importe que ce candidat (ou cette candidate, suivez mon regard) dise le pires horreurs, du moment qu'il a l'air sincère. Au moins plus sincère que les autres, ce qui est souvent peu.

Regardez les résultats des dernières élections, disons depuis une dizaine d'années, dans n'importe quel pays occidental. C'est imparable.

Quel rapport avec Google?


Alors, oui, revenons à nos moutons. Encore une fois, Corentin pose la question la plus pertinente: "par qui préférez-vous être espionné?". Là encore, le citoyen/consommateur fait un choix humain et se tourne vers celui qui lui inspire le moins de crainte. Au moins, quand j'autorise Google ou Apple à tout connaître de ma vie privée, je signe un contrat directement entre lui et moi en ce sens. Contrat que je peux révoquer en arrêtant d'utiliser le service qu'il me fournit. En vérité, je n'ai pas vraiment le choix et je ne sais pas vraiment ce qui est fait de mes données une fois que je suis parti. Mais, même ça, c'est clair et j'en suis conscient. Quand l'État me surveille, soit au mépris de la loi, soit en faisant adopter par des députés sous influence des lois qu'ils comprennent à moitié, je me sens effectivement plus en danger. D'autant que l'État dispose aussi de la force armée, ce que Google n'a pas (qui a dit "pas encore"?).

Est-ce sans danger? Non, car comme je le disais, le contrôle du consommateur est quasi inexistant. Si ce contrôle existait de façon efficace, serait-ce satisfaisant? Non plus, car ce qui motive une compagnie comme Google n'est en aucun cas le bien commun (ou de façon marginale) mais le profit. En tout cas, rien qui ne satisfasse les exigences de la démocratie. La démocratie est en crise, les géants des affaires le savent et s'engouffrent dans la brèche.

Le recours à Gramsci 


La démocratie est vivante. Elle naît, elle évolue et peut mourir. Son avantage par rapport à nous c'est qu'une fois morte, elle peut revivre. Et il faudrait vraiment être borné pour ne pas comprendre que les outils démocratiques dont se sont dotés les hommes occidentaux du XIXe siècle, à peine réactualisés à l'issue de la seconde Guerre mondiale, sont obsolètes. Il faut penser les raisons qui ont amener les anciens à les établir ainsi, faire la part de l'histoire et de la mythologie, ce qui n'est pas une mince affaire, et surtout prendre en compte le réel dans lequel nous vivons en ce moment même et celui des prochaines décennies pour définir de nouveaux outils pour que les citoyens gardent la maîtrise de leur destin individuel et collectif. Mais l'inertie est grande et les volontés constructives peu nombreuses.

En attendant, on ne peut que citer le très clairvoyant Gramsci pour expliquer le glissement de confiance qui s'opère de l'État vers d'autres structures: "La crise consiste justement dans le fait que l'ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés". Voilà, Corentin, la pierre que je pouvais apporter à ta réflexion.



vendredi 14 août 2015

Le mot tragique du jour

C'est celui de Michel Sapin, ministre français de l'Économie.

Je cite: «Une croissance nulle conforte nos objectifs en matière de croissance». Je ne crois même pas qu'il faille commenté cette phrase. Tout est dit. C'est tragique.


En 2002, les électeurs se sont réveillés en pleine élection présidentielle avec la gueule de bois. Venu de nulle part, le Front national s'était engouffré, presque malgré lui, dans la faille béante de la déception creusée par un gouvernement de gauche «impuissant» (selon le mot même du premier ministre Jospin, souvenez-vous).

En 2017, personne ne sera surpris.