vendredi 29 avril 2011

Le dilemme du jour

Voter Bloc québécois ou Nouveau Parti Démocratique ?

Cette question reste pour moi purement théorique. Mais ce dilemme fait tout de même réfléchir les quelques socialistes français qui s’intéressent à la vie politique québécoise.

D’une part, le NPD est membre de l’Internationale Socialiste. Ce n’est certes pas une condition suffisante à un soutien automatique des socialistes français, sinon ils devraient aussi bien soutenir pas mal de « camarades » dictateurs, mais le NPD est un parti social-démocrate tout ce qu’il y a de plus respectable. Alors oui, partout où un néo-démocrate est opposé à un conservateur et/ou à un libéral, il semble logique de le soutenir.

Les choses sont moins simples dans les circonscriptions du Québec puisqu’on y trouve le Bloc Québécois. Sa principale revendication est la souveraineté du Québec mais il s’assume clairement comme un parti social-démocrate. Comme quoi il faut être français pour croire que le souverainisme est forcément synonyme de droite réactionnaire. De plus, les liens qui unissent les souverainistes québécois aux socialistes français n’ont fait que se renforcer ces dernières années.

Alors que faire ? Se dire que pour une élection fédérale on soutien d’abord notre partenaire canadien, le NPD qui, en plus, semble bien parti pour faire un résultat conséquent que les électeurs québécois pourraient renforcer ? C’est tentant. Même des québécois, tannés du gouvernement conservateur, font ce calcul. On sera toujours à temps de soutenir les souverainistes lors des élections québécoises face aux libéraux. (ndla: C'est effectivement le choix qu'a fait la majorité des  électeurs du Québec le 2 mai, quelques jours après la rédaction de ce billet.)

Oui, mais ça ne marcherait que si ces deux partis pouvaient réellement s’entendre. Or il y a un vrai point de clivage qui n’est pas un détail : la souveraineté du Québec.

Malgré quelques allusions pendant la campagne, il semble clair et net que le NPD ne soutiendra pas l’action d’un éventuel gouvernement souverainiste au Québec. Ce sera certes moins pire qu’un Canada conservateur, mais il faudra de toutes façons une représentation conséquente des souverainistes à Ottawa pour défendre et représenter Québec. Il n’est peut-être pas inopportun de rappeler que si les souverainistes ne sont pas membres de l’IS, c’est en partie parce que le NPD s’y est opposé.

C’est un peu, à mon avis le paradoxe qui fait que le Nouveau Parti Démocratique ne l’est pas complètement. Il m’a fallu du temps pour en convenir moi-même (cf. ce billet) mais, la souveraineté du Québec, c’est tout simplement donner aux québécoises et aux québécois la maîtrise de leur destinée collective et individuelle, c’est la voix démocratique.

Cette opinion est encore loin d’être communément admise parmi les socialistes français, mais c’est peut-être parce que le même paradoxe les habite quand ils se réfèrent, parfois aveuglément, à la IIIème République pourtant assimilatrice et colonialiste. Mais il est souvent compliqué de remettre en cause les préceptes que l’on s’est vu inculquer très tôt.

Pour en revenir au Canada, si le NPD résolvait ce paradoxe, peut être que le Bloc n’aurait pas de raison d’être. Et le jour où le Québec sera souverain, le Bloc n’aura certainement plus de raison d’être.

En attendant, vive le NPD au Canada et vive le Bloc au Québec.


mardi 26 avril 2011

La question du jour

Faut-il ou non que la gauche, et particulièrement le parti socialiste, s’intéresse à tous les sujets ?

On entend souvent dans les rangs de la gauche qu’il ne faut pas tomber dans le piège de la droite, qu’il ne faut pas focaliser notre discours sur ses thèmes : la sécurité, l’immigration, etc. On entend parfois même qu’il y a des sujets de droite et des sujets de gauche.

Dans un sens, ça n’est pas faux. La gauche est plus portée à parler de logement, de pouvoir d’achat, de meilleures conditions de travail pendant que la droite chasse les sans-papiers, ferme les frontières et fait passer la vidéosurveillance pour de la « vidéo-protection ».

Cependant, c’est en ne parlant pas de ces questions que la gauche tombe dans le piège de la droite et admet, d’une certaine manière, que chacun est compétent dans certains domaines et, donc, qu’il n’y a qu’une seule réponse possible à chaque problème. Aux problèmes de sécurité doivent répondre des dispositifs sécuritaires. Aux problèmes sociaux doivent répondre des dispositifs sociaux. Finalement, que ce soit la gauche ou la droite au pouvoir, la seule différence est dans le dosage de ceci ou la priorisation de cela.

Et bien non. Ce qui différencie la gauche de la droite, c’est le regard porté sur les problèmes, c’est une grille de lecture. La particularité des socialistes c’est de toujours mettre au cœur de leur analyse la question sociale.

Parce que quand la sécurité recule, c’est d’abord les plus précaires qui sont touchés. Parce que quand la laïcité recule, c’est d’abord l’autonomie des plus faibles qui est remise en cause, parce que quand l’environnement, la nourriture ou l’eau se dégradent, ce sont d’abord les moins riches qui en pâtissent. Et ainsi, quel que soit le sujet, on peut le comprendre et y répondre en posant d’abord la question sociale. C'est, normalement, la raison d'être des socialistes.

jeudi 21 avril 2011

L'échec du jour

C’est bien sûr celui de la gauche à atteindre le second tour de l’élection présidentielle, il y a neuf ans aujourd’hui.


Il ne s’agit pas de revenir encore une fois sur les raisons de cette défaite, mais plutôt de regarder le chemin parcouru depuis.

Je fais partie de cette génération marquée profondément par le 21 avril 2002. Pas encore majeurs, pas encore vraiment militants malgré un meeting de Lionel Jospin et quelques débats au lycée, lorsque s’affichait le visage de Jean-Marie Le Pen au second tour, nous avons ressenti une indignation féroce nourrie par l’impression de s’être fait dépossédé de ce qui nous était le plus précieux. Ce qui nous était le plus précieux ? Notre assurance que la France était un pays singulier, notre croyance dans la marche inexorable du progrès, notre confiance en l’avenir,…

Cette intuition nous a transportés dans les rues par centaines de milliers. Nous avons marché le 22, le 23, le 24 et tous les jours suivants. Le 1er mai, nous nous sommes retrouvés avec tous ceux qui n’avaient pas pu venir jusqu’alors. Et que disaient nos pancartes ? « Ni facho, ni escroc ! » reflétant le désespoir de beaucoup de ne pouvoir choisir qu’entre la droite qui pue et la droite qui ment. Et, par-dessus tout, un message au monde : nous ne sommes pas cette France-là.

Puis il faut bien trouver un débouché à toute cette indignation car c’est assez d’être impuissants, il nous faut agir. Mais comment ? Contre qui sommes-nous en colère ? Contre l’extrême-droite ? Elle n’a, au fond, que le tort d’exister. Contre la droite qui fête plus ou moins discrètement une victoire jusque là si peu probable ? Pouvions-nous attendre mieux de leur part ? Non. Décidemment, c’est bien contre la gauche que nous en avons à ce moment là.

Plus précisément, c’est l’ordre établi à gauche que nous voulons remettre en cause car les militants sont à nos cotés dans la rue. Et ces militants nous proposent de les rejoindre sur un projet : transformer le PS pour transformer la société.
La transformation du PS ? S’il n’est pas fichu d’être au second tour de la présidentielle, c’est bien qu’il y a quelque chose de pourri dans son fonctionnement.
La transformation sociale ? Bien sûr que c’est ce que nous voulons !
Et puis, c’est ça ou ne rien faire, alors ça vaut le coup de tenter l’aventure.

Neuf ans plus tard, qu’est-ce qui a changé ?

Nous avons à nouveau perdu en 2007. Au moins, nous étions au second tour. Notre candidate nous explique même que c’est une victoire. Ouais, passons.

De victoire en victoire aux élections intermédiaires, le cumul des mandats est toujours la norme, y compris pour ceux qui nous avaient recrutés en 2002 en prônant tout le contraire. De renoncements en contournement des règles, le renouvellement est vraiment marginal et le PS a quand même tout l’air d’une fédération de baronnies locales.

Il se passe quand même quelque chose d’important en 2008 pour le congrès de Reims. Le courant majoritaire ne l’est plus. N’imaginant pas une seconde un autre mode de fonctionnement que le consensus mou, il se range aussitôt derrière celle qui semble la plus « crédible », mot à comprendre ici comme l’antonyme de radical (parce que c’est bien connu qu’on ne peut pas être les deux), Martine Aubry.

Aujourd’hui, force est de constater que le PS a plus travaillé en deux ans que dans les huit années précédentes. Et dans le bon sens, en plus, celui de la transformation sociale. Mais qu’est-ce qu’un projet, même très bon, s’il n’est pas mis en œuvre ? Que font concrètement les socialistes là où ils sont aux affaires ? Ils gèrent. Très bien pour la plupart d’entre eux. Mais combien mettent concrètement en œuvre nos propositions ? Tous et aucun à la fois. De très belles choses sont faites, mais sans aucune cohérence nationale. D’une collectivité socialiste à l’autre, un même dispositif peut porter des noms différents, le public visé n’est pas tout à fait le même. Sur un même territoire, deux collectivités socialistes se renvoient la balle, voire s’affrontent au sujet d’une infrastructure ou d’un aménagement. L’une gère son eau en régie, l’autre en DSP, mais les deux présidents se font prendre en photo avec Danielle Mitterrand à La Rochelle. A croire que nos représentants ont deux cerveaux : un pour le parti et un pour leur mandat. A croire aussi que le PS est décidemment peu de chose face à ses élus.
Au lieu d’utiliser la décentralisation et notre maillage exceptionnel du territoire pour montrer ce que nous feront en 2012, la différence entre la droite et le gauche demeure bien floue aux yeux de nos concitoyens.

Ce problème est intimement lié à nos pratiques. Rénover le parti est devenu une revendication de tous, à condition de le faire plus tard. La fin du cumul des mandats est toujours une promesse. On voulait être exemplaire avant 2012 ? On attendra après. Et on le fera peut-être. Heureusement il y a les primaires. Après avoir réussit à faire revenir des intellectuels dans ses débats, ce qui est déjà une belle réussite, le PS va enfin s’ouvrir en grand, en très grand. Espérons que le message passera et que le peuple de gauche n’est pas définitivement désabusé. En tous cas, démontrons que ce n’est pas du bluff.

En 2002, le nez dans le guidon, l’échec a pu faire l’effet d’une bombe. En 2012, les socialistes n’auront pas cette excuse, tous les signaux d’alerte sont activés.
On sait que les dix années qui viennent de passer ont eu un effet ravageur sur l’espoir qu’ont les gens que la politique améliore leur vie. On sait aussi que cette désillusion vaut autant pour la gauche que pour la droite, à tort ou à raison. On sait enfin que le monde entier est agité par une même revendication : reprendre la maîtrise de nos destinées individuelles et collectives.

Il faut donc que le PS en tire les conclusions qui s’imposent et qu’enfin, pour de vrai, il ne se borne pas à proposer l’alternance. On ne gagnera pas avec les pratiques qui nous ont fait perdre. On ne gagnera pas avec les postures qui nous ont fait perdre. On ne gagnera pas non plus avec la génération politique qui nous a fait perdre. Le peuple de gauche, en particulier les jeunes, ne pourront pas se contenter de glisser un bulletin dans une urne, il faut leur proposer de s’approprier collectivement cette campagne. Parce que si l’échec du jour est bel et bien celui d’hier, il est hors de question qu’il soit celui de demain.

mardi 5 avril 2011

Le prix d'excellence du jour

C’est celui remis à Gérard Collomb, maire de Lyon, dans la catégorie histoire contemporaine, grâce à cette thèse annoncée dans un reportage d’i-télé :

« La pire période du logement en France, ça a été les lois de 1948 qui interdisaient l’augmentation des loyers qui ont amené à une véritable pénurie de logement »

Le jury veut récompenser l’audace de cette théorie qui ne tient aucun compte des destructions massives intervenues durant la 2ème guerre mondiale (1939-1945, pour rappel), ni du début de l'exode rural, et qui permet donc de comparer exactement la France de 1948 et celle de 2012.