dimanche 4 mars 2012

Les 75% du jour

En France, François Hollande a annoncé son intention de créer une tranche marginale d'imposition à 75% pour les revenus supérieurs au million d'euros, s'il est élu. Au Québec, le gouvernement de Jean Charest a annoncé son intention d'augmenter les frais d'inscription dans l'enseignement supérieur de 75% sur les cinq prochaines années. Ces deux annonces bien différentes autour d'un taux qui est pourtant le même (75%) me donnent l'occasion de montrer assez simplement quelle est la différence entre deux visions du monde, une libérale et une socialiste.

La proposition libérale, c'est évidemment celle d'augmenter les frais de scolarité. Ceux qui souhaitent faire des études doivent payer pour ça, tels des voyageurs qui souhaitent prendre l'avion ou le train, tels des clients qui souhaitent manger une pizza dans un restaurant. Dans chacun de ces cas, on peut envisager une aide de l'Etat selon que celui-ci souhaite ou non encourager la consommation de ce service. Pour la pizza, on peut baisser la taxe de vente sur la restauration. Pour les transports, on peut envisager des tarifs sociaux. Pour l'éducation, on peut mettre en place des bourses ou des prêts étudiants. Ces dispositifs entrainent une part de dépense publique, financée par l'impôt, que l'on va chercher à réduire en faisant appel à des financements privés. Mais au fond, il s'agit toujours de payer pour un service que l'on consomme.

Face à cette logique, il en existe une autre qui considère que l'éducation, au même titre que la santé, la sécurité, etc., est un droit fondamental auquel chacun doit avoir accès quels que soient ses ressources ou les conditions sociales dans lesquelles il vit. Que peu importe d'où l'on vient et qui l'on est, la société a le devoir de pousser chacun vers l'excellence, c'est à dire le maximum de ses talents dans le domaine auquel il aspire. Que ce droit offert à tous bénéficie de toutes façons à la société dans son ensemble. Dans ce cas, il faut établir un système solidaire et juste de redistribution des richesses produitent par tous. Car non, le patron d'une multinationale qui gagne plus d'un million d'euros par an n'est pas plus ou moins responsable, n'a pas plus ou moins de mérite quant à la production de richesse que la masse de ceux qui créent et travaillent sous ses ordres au salaire minimum et à qui il faudrait deux vies entières pour accumuler un montant égal. La création de richesse est le résultat d'un travail collectif, la richesse créée doit donc être justement répartie.

Le taux est le même : 75%. Mais deux modèles radicalement différents sont posés sur la table. L'un comme l'autre a ses qualités et ses défaults. L'un comme l'autre peut conduire à des dérives s'il n'est pas gouverné par la démocratie. L'un n'est pas forcément absolument exclusif de l'autre. C'est en tous cas à chacun de choisir la société dans laquelle il veut vivre. Et ce choix, on le voit, dépasse les frontières et les océans.