mardi 13 décembre 2011

Le coin de table du jour

C'est celui sur lequel tant de textes sont écrits et de stratégies élaborées ces dernières semaines.

En effet, de l'accord PS/EELV à l'accord de Durban en passant par la stratégie de campagne de Villepin, tout ceci, et bien d'autres choses, a été accusé par des commentateurs et analystes, certainement soucieux de faire des économies de réflexion personnelle, d'être pensé et rédigé "sur un coin de table". Ainsi, ne vous cassez pas le bol. Si un texte ne vous plait pas, ou si vous pensez que ses rédacteurs ne sont ni plus ni moins que des baltringues, utilisez vous aussi le désormais fameux coin de table. En plus, ça vous permet de rester polis.

On peut noter que de l'autre coté de l'Atlantique, on utilise assez fréquemment le dos d'un napkin (serviette en papier, en français), certainement pour soutenir l'industrie papetière en crise, mais l'intention est bien la même.

Et bien, je m'insurge. Si l'on est amené à effectivement utiliser un coin de table pour y faire quelque chose d'a priori sérieux, c'est que le reste de la table est encombré de victuailles et de boissons, toutes choses aussi sérieuses sinon plus.

Je sais que l'austérité est de nos jours très généralement de mise. J'informe néanmoins les rabat-joies de tous ordres que si l'on s'en remet à moi, tout ce qui est résolu sur un coin de table l'est donc par des gens qui ne sont pas dépourvus des qualités essentielles et dans les conditions les plus favorables qui soient.

mardi 29 novembre 2011

La stratégie du jour

C'est celle du gouvernement conservateur du Canada pour se débarrasser des accords de Kyoto.

Elle est tellement limpide que personne ne fait même mine d'être dupe. D'abord il faut savoir que le Canada n'a jamais appliqué le protocole de Kyoto, bien qu'il l'a ratifié. A ce titre, il a été plusieurs fois rappelé à l'ordre par l'ONU. Il faut aussi se rappeler que le Premier ministre Harper est élu en Alberta, province qui tire l'immense majorité de ses richesses de la production de pétrole issu des sables bitumineux.

Le Canada se trouve donc actuellement dans une situation où il est montré du doigt, autant par la communauté internationale qu'à l'intérieur par des associations écologistes, l'opposition parlementaire ou des gouvernements provinciaux, en particulier celui du Québec qui est en passe de satisfaire, pour ce qui concerne son territoire, aux objectifs de Kyoto.

Alors le Canada saisit l'occasion du sommet de Durban. Le ministre de l'Environnement est clair : il n'est plus question de faire partie d'un accord qui ne contraint pas les pays émergents. Or, et c'est bien normal, il n'y a aucune chance que ce sommet se termine sur un tel accord (si accord il y a, d'ailleurs). Le Canada fera l'offusqué et, sous couvert d'être plus royaliste que le roi (que la Reine, en tous cas), demandera au parlement d'Ottawa d'annuler la ratification de l'accord de Kyoto "pour se fixer lui-même ses propres exigences". La date est même déjà fixée au 23 décembre. Un ministre conservateur admettait hier que lui-même aurait sûrement plus la tête aux fêtes à cette date. C'est dire si la ficelle est grosse.

jeudi 29 septembre 2011

Celui qui est tout ému du jour

C’est Fabien Robert, adjoint au maire de Bordeaux Alain Juppé.

Pourquoi ému ? Parce qu’il représentait hier soir le maire à un rassemblement organisé par le Girofard, le centre LGBT de Bordeaux, pour dénoncer l’agression homophobe dont ont été victimes deux jeunes gens la semaine dernière au miroir d’eau.

Loin de moi l’idée de remettre en cause la sincérité de l’émotion de Fabien Robert. Mais je ne peux m’empêcher d’en appeler à sa cohérence.

Il est ému mais il soutient l’installation de caméras de vidéo-surveillance, en particulier dans cette zone, alors même qu’elles viennent de donner raison à tous ceux qui expliquent depuis des années que ce dispositif est inefficace à prévenir les agressions. Tout cet argent public serait sûrement mieux employé par une police de proximité et par les associations luttant contre les discriminations et pour la tolérance.

Il est tout ému mais il soutient un maire qui est par ailleurs le pilier d’un gouvernement qui refuse obstinément l’égalité des droits. Dans une société où l’homophobie est latente, accepter que la loi elle-même ne soit pas exemplaire, c’est se rendre complice des agressions, des insultes, des remarques et des gestes humiliants.

Le rôle des responsables politique n’est pas de démontrer leur émotion en public. Le rôle des responsables politiques et d’améliorer la vie des gens qui les ont élus pour ça. J’espère que l’émotion de Fabien Robert lui fera prendre conscience des lacunes coupables des politiques qu’il soutient.

mardi 27 septembre 2011

La victoire mathématique du jour

C’est cette nouvelle catégorie de victoire inventée par la droite pour ne pas assumer une défaite pourtant historique. La gauche majoritaire au Sénat pour la première fois dans l’histoire de la Ve République ? Circulez, y’a rien à voir.

On voit bien l’intérêt de cette position car finalement, si la victoire de la gauche est mathématique, c’est qu’il n’y a pas de responsable. Quel que soit le contexte, quelle que soit la campagne, quelle que soit la politique du gouvernement on savait qu’elle gagnerait de toute façon au vu des dernières élections intermédiaires. C’était la fatalité.

La logique est implacable.

Ou alors c’est bel et bien la faute du gouvernement. Cette communication désastreuse qui revient à assimiler les grands électeurs, dont beaucoup sont des élus ruraux peu ou pas encartés, à des robots préprogrammés est révélatrice du mépris doublé d’autisme dont fait preuve le gouvernement, de la césure incroyable qui sépare l’UMP de ces élus locaux, et du mutisme lâche et coupable des parlementaires UMP qui ne relaient plus l’avis de leurs territoires de peur de déplaire au palais.

La logique est implacable.

jeudi 1 septembre 2011

Le discours du jour

C’est celui prononcé par Laurianne Deniaud, présidente des Jeunes Socialistes, lors de l’université d’été des socialistes à La Rochelle dimanche dernier. Je vous invite vivement à l’écouter

Ce discours a été unanimement reconnu comme le plus marquant de cette édition 2011. Cela tient principalement, il me semble, à la force et la sincérité du propos. La conclusion, en particulier, dans laquelle Laurianne en appelle au renouvellement, a généré dans l’assistance un fort enthousiasme, auquel je me suis pleinement associé. Ceux qui lisent ce blogue savent en effet que c’est l’un des mes sujets de prédilection et que j’évoque régulièrement les fonctionnements sclérosés, les baronnies locales, la reproduction des élites autoproclamées, la dilution idéologique, etc. 

Car c’est le fondement même de la démocratie que de considérer qu’aucun mandat, aucune charge élective, aucune responsabilité politique ne puisse être la propriété privée de qui que ce soit. Un mandat n’est pas un bien acquis une bonne fois pour toute dont on dispose de manière discrétionnaire, soit qu’on veuille le garder ad vitam æternam, soit qu’on le transmette en héritage. 

La conséquence la plus néfaste de ce dysfonctionnement, c’est l’instauration d’une sorte de société de la médiocrité où en définitive le détenteur de la moindre part de responsabilité en vient à oublier l’objectif collectif et n’a comme occupation principale que de s’assurer que personne ne soit en capacité de le surpasser. A force de frustrations et de désillusions, les meilleurs éléments du groupe sont marginalisés puis écartés et ne restent que les médiocres ou les affidés. 

Face à cela, les socialistes qui doivent défendre la démocratie partout et toujours, peuvent porter une alternative : une société collaborative. Mais ça suppose un changement radical de perspective. L’objectif ne doit plus être la prise du pouvoir pour transformer la société mais directement la transformation sociale partout où c’est possible, au pouvoir le cas échéant comme dans toute activité sociale, associative, syndicale, etc. 

Pour prendre une image sportive, il faut que chacun prenne enfin conscience que la stratégie de course compte tout autant que l’arrivée elle-même. Peu importe qui franchit la ligne le premier, l’important est d’y arriver collectivement

Cette société collaborative rejoint un aspect du discours de Martine Aubry sur le care. Elle a d’ailleurs très clairement exprimé sa volonté de mettre fin aux mauvaises pratiques comme le cumul des mandats et c’est heureux de voir qu’entre jeunes et moins jeunes, il y a des convergences et qu’une évolution devient possible. J'espère pouvoir faire campagne pour Martine Aubry en 2012. 

Mais ce n’est qu’un petit début et même au fin fond des sections et des fédérations, même à l’échelle la plus insignifiante, le passage du discours enthousiaste aux actes n’est pas encore un automatisme.

mardi 16 août 2011

Le crime du jour

C'est à mes yeux le pire qui puisse être : un jeune homme de 17 ans a été séquestré et violemment battu par ses frères pour ne pas avoir respecté le jeûne du ramadan.

Pourquoi ce crime est-il le pire ? Parce qu'il touche au principe le plus fondamental de la démocratie et des valeurs républicaines : la liberté absolue de conscience. Sans elle, le citoyen abdique ses choix de vie individuelle et collective, sa part de souveraineté à sa communauté religieuse, réelle ou supposée, et la démocratie perd son sens. Sans elle, le pacte républicain qui lie les citoyens dans un projet de société commun fondé sur la liberté, l'égalité et la fraternité est de fait remis en cause.

Ce n'est pas pour rien si de tous temps les régimes absolutistes et totalitaires ont d'abord porter atteinte à la liberté absolue de conscience. Sans remonter aux exemples antiques ou médiévaux, l'histoire moderne porte son lot d'exemples, du chevalier de la Barre aux femmes afghanes en passant par les innombrables victimes des dictatures du XXème siècle.

Mon but ici n'est sûrement pas de porter le fer contre l'islam en particulier, car ce serait une offense faite aux millions de français musulmans qui respectent la liberté de conscience. Je ne connais également que trop bien le soudain engouement pour la laïcité des islamophobes pour rentrer dans leur jeu puant. Mais il s'agit plutôt de mettre cette actualité en perspective. Ce qui me frappe en particulier, c'est que ce drame intervienne justement le 15 août, jour de la célébration de l'assomption décrété férié par nos institutions soi-disant laïques. Certes, ce jour férié comme celui de noël, du lundi de pâques ou que sais-je, ne porte pas en soi atteinte à la liberté absolue de conscience puisque ça ne m'interdit pas de continuer à croire en ce que je crois et que, d'ailleurs, la majorité des français ne sait plus vraiment de quoi il s'agit.

Ces jours fériés sont cependant l'occasion pour les médias de faire d'une procession, d'une messe ou de tel autre rite catholique une information d'importance nationale. Cela instaure un climat, une ambiance qui autorisent et légitiment les discours faisant de la religion catholique un caractère essentiel de l'identité nationale, sous réserve qu'il en soit une. Sans faire du déterminisme social de gare, on peut également penser que ce n'est pas sans incidence sur la façon dont se forment les consciences dans notre pays. Bref, cela ne peut créer que rejet d'une part, frustration d'autre part et ne promeut en aucun cas la liberté de conscience.

Toutes les religions, tous les dogmes ont leurs fanatiques et ce jeune homme ne sera hélas pas le dernier à payer si chèrement le droit de penser et de croire librement. La société, en particulier la République française, a donc l'impérieux devoir de garantir à chacun cette liberté fondamentale de croire ou de ne pas croire, de penser et d'agir selon sa conscience. A chaque fois qu'elle cède, pour quelque raison et à quelque niveau que se soit, elle se rend complice d'attaques perpétrées contre elle-même.

mardi 9 août 2011

Le revival du jour

C’est à propos qu’un anglicisme est utilisé dans le titre de ce billet car c’est bien des émeutes en Angleterre qu’il s’agit de parler.

Pourquoi un revival ou, en français correct, un renouveau ? Parce que les émeutes qui font si lourdement mentir la réputation flegmatique des britanniques ne sont pas une grande première. La recette est même très bien connue. Une jeunesse marginalisée et stigmatisée par la société : c’est le baril de poudre. Le meurtre d’un jeune homme par la police : c’est l’étincelle.

Il n’y a donc rien de bien surprenant dans les événements actuels. Ce qui serait surprenant par contre, ce serait qu’un responsable politique en tire enfin les leçons. Quoi faire ? Investir dans les services publics pour qu’il n’y ait plus de quartier de relégation, rénover les systèmes d’éducation et aller vers l’excellence pour tous, mettre fin aux politiques sécuritaires qui font le lit de la xénophobie et des discriminations, etc.

Il faudrait comprendre surtout que les mêmes causes produisent partout les mêmes effets. Il n’y a rien d’étonnant à voir ce qui s’est passé en France en 2005 se produire en Angleterre en 2011. On peut aussi faire le lien avec la Tunisie où la mort de Mohamed Bouazizi a été le catalyseur d’une souffrance sociale largement répandue. C’est donc à l’échelle internationale qu’il faut agir.

En désincarnant le Capital, la financiarisation avait déjà conduit à la disparition de tout dialogue dans l’entreprise, de toute possibilité pour les travailleurs de poser un rapport de force efficace. Désormais, sous la pression menaçante des institutions financières, c’est la souveraineté des états et donc le pouvoir politique des citoyens qui sont remis en cause. Non content d’accaparer les richesses produites au détriment du Travail, le Capital veut désormais confisquer la démocratie.

Quand le présent est invivable, qu’on n’a aucun espoir en l’avenir, que l’on constate que l’on n’est plus maître de sa destinée, tant individuelle que collective, et que devient vaine toute tentative de reprendre la main à travers les institutions dédiées à l’action commune (syndicats, partis, associations, etc.), que reste-t-il sinon la destruction ?

Parfois, comme en ce moment dans la corne de l'Afrique, il n'y a même plus rien à détruire.

Face à cela, les socialistes ont une responsabilité immense. L’Internationale Socialiste serait l’organisation idéale pour développer et mettre en œuvre une alternative au capitalisme porteuse d’émancipation mais n’est hélas qu’une coquille vide. Des socialistes sont pourtant au pouvoir dans plus d’un pays. D’autres, sans gouverner leur pays, administrent cependant des régions, des territoires… et tout cela se fait chacun de son coté, sans cohérence aucune. La passivité de certains gouvernements sociaux-démocrates, l’empressement qu’ils mettent à appliquer les recommandations des organisations internationales promouvant le capitalisme néolibéral, les coalitions qu’ils forment parfois avec des partis conservateurs, sont également une source profonde d’indignation et participent de la désespérance. Les espagnols, les grecs et bien d’autres en témoignent.

S’il y a bien un renouveau à souhaiter, c’est celui de l’Internationale. Elle doit faire le tri dans ces membres et ne pas attendre qu’un dictateur soit tombé pour exclure son parti. Elle doit retravailler sur des propositions à soumettre à ses membres et les inciter à les mettre en œuvre partout où cela est possible. Elle doit organiser la résistance dans les organisations internationales.

Le capitalisme, comme annoncé depuis bien longtemps, a conduit à la guerre de tous contre tous, aux émeutes et à la barbarie. Le socialisme démocratique doit impérativement se renouveler et constituer une alternative.


samedi 23 juillet 2011

La fraternité du jour

C'est celle qui lie tous les jeunes socialistes, progressistes, travaillistes aux militants de l'AUF qui sont tombés sous les balles, hier sur l'île d'Utøya en Norvège.

Cette tuerie est traumatisante bien au delà de la Norvège pour tous les jeunes, ou moins jeunes, engagés à travers le monde pour le progrès social car il est impossible de ne pas se sentir personnellement visé par ce geste. En effet, cet acte d'une barbarie incroyable est également un acte symbolique. En attaquant ainsi les institutions, d'une part, et des jeunes militants progressistes d'autre part, c'est bien la démocratie qui était visée dans ce qu'elle a de plus précieux : ceux qui la font vivre et la défendent.

Ce sang et ces larmes répandus en Norvège rappellent durement à chacun de nous qu'au delà des frontières des nations, au delà des différences culturelles, il n'y a finalement qu'un seul clivage entre les hommes. Il y a ceux qui considèrent que quelques uns sont, pour une raison ou une autre, supérieurs au reste de l'humanité et qui cherchent à imposer cet ordre des choses par la violence armée, le dogmatisme spirituel ou la domination financière. Puis il y a ceux qui pensent au contraire que tous les hommes sont égaux et qui luttent pour l'émancipation de chacun en défendant la liberté et la démocratie.

Je précise tout de suite que je ne considère pas que ce clivage soit juxtaposable sur les clivages politiques tels que nous les connaissons entre la droite et la gauche et c'est ce qui impose à chaque mouvement politique de bien peser et penser ses orientations en responsabilité car le glissement d'un camp à l'autre est souvent subtil.

En tous cas, malgré la tristesse et l'indignation, les socialistes ont choisi leur camp. L'extrême droite demeure le danger. Et comme le promettait le Chant des Partisans aux heures les plus brunes de notre histoire lorsqu'il disait "Ami, si tu tombes un ami sort de l'ombre à ta place", nous continuerons de nous réunir, comme ils l'étaient à Utøya, pour faire vivre la démocratie et imaginer ensemble un monde meilleur.


mercredi 29 juin 2011

Le plan du jour

C’est le plan B.

En toute rigueur, c’est celui sur lequel on se repli lorsque le plan A est un ratage.

Le plus embêtant, c’est quand il n’y a pas de plan B. Et c’est souvent le cas avec l’Union européenne. On nous avait fait le coup en 2005 lors du referendum sur le traité constitutionnel européen. Le oui ou le chaos. Il n’y avait pas de plan B. Et les français ont dit non, bientôt suivis par d’autres. Alors on a utilisé la voie du "mini-traité" de Lisbonne, qui reprenait tout ce qui avait été rejeté dans le TCE en l’expurgeant de son seul élément valable : le symbole constitutionnel. Et on a fait adopter ce traité par les parlements, loin des désagréments de la démocratie. Rien à voir avec un plan B, en effet.

Là où on ne nous avait pas menti, par contre, c’est sur le fait qu’on ne nous laisserait pas inventer une autre Europe. La seule alternative pour les peuples européens c’est accepter de gré ou de force.

On nous reparle aujourd’hui de l’inexistant plan B dans le cadre du "sauvetage" de la Grèce. Pour résumer, c’est accepter la rigueur inacceptable ou le chaos. Pas de plan B. A écouter certains propos de ces dernières heures, c’est à se demander si la Grèce ne va pas tout simplement être engloutie dans les entrailles de la Terre, ne laissant qu’un grand trou béant à sa place. Et là encore, ne connaissant que trop l’avis du peuple, on passe par le parlement qui ne représente plus que lui-même.

En fait, cet argument de l’Union européenne selon lequel il n’y a pas de plan B, comme le "There is no alternative" de Thatcher, ce n’est rien de moins que le déni de la démocratie elle-même. C’est demander au peuple d’abdiquer toute souveraineté à ceux qui auront décidé de ce qui est bon pour lui. Et non pas à des élus dont le mandat peut être révoqué, mais à des "experts" qui ne tirent leur légitimité que d’eux-mêmes et une bonne fois pour toute, en général issus d’institutions financières bien connues pour leur philanthropie.

Alors à ceux qui expliquent que le plan B n’existe pas, nous rappelons ce que disait Jacques Prévert à leur sujet et nous répondons qu’ils nous laissent faire, on en trouvera bien un à leur place. Une véritable alternative, pas simplement une stratégie pour enfoncer au fond de la gorge ce qu’on n’a pas pu faire avaler du premier coup.

lundi 30 mai 2011

Le soleil du jour

C’est celui de la Puerta del Sol, à Madrid.

photo : Julie Saint-André

Des dizaines de milliers de jeunes, et moins jeunes, réunis sous un soleil de plomb et à la clarté de la lune, vingt-quatre heures par jour, pour protester. Ils ne se revendiquent d’aucune organisation syndicale ou politique. Le premier geste a certes été posé par quelques centaines de militants du collectif ¡Democracia Real Ya !, mais ils ont très rapidement été largement débordés par la multitude qui a spontanément rejoint le mouvement. Alors, sans débouché politique clair, et vu le résultat des élections en Espagne, on pourrait conclure à l’inanité, voire la contre-productivité, du mouvement. Pourtant il continue et se répand un peu partout en Europe.

Sans tirer de conclusion hâtive ni se donner des airs de tout savoir, on peut quand même avancer que ce mouvement est avant tout porté par une revendication que le peuple juge juste et peut facilement faire sienne. C’est ce qu’ils appellent la démocratie réelle, en opposition au système actuel où quels que soient les représentants élus, la politique appliquée est celle dictée par les "experts" des organisations internationales et les agences de notation. Face à cette confiscation de la souveraineté populaire, ils décident donc de se retirer de ce jeu de dupes. La droite et la gauche appliquent de toutes façons la même politique économique ? On refuse donc de choisir entre eux. Le système électoral favorise les grands partis et biaise la représentation proportionnelle ? On ne vote donc plus.

Mais dans le même temps on construit le monde dans lequel on aimerait vivre. On fait la preuve par l’exemple que des dizaines de milliers d’inconnus peuvent vivre les uns avec les autres en s’entre-aidant, en se répartissant les tâches, en faisant jouer le respect et la solidarité entre tous. A la Puerta del Sol, grâce à cette organisation et cette solidarité, personne n’a soif malgré la chaleur et la foule, personne n’a faim même s’il ne possède rien. Ceux qui en ont besoin reçoivent les soins de première urgence. L’accès au savoir, à la culture, à l’information est assuré. Même les enfants ont leur espace protégé et animé par des volontaires compétents. Et tout le temps on peut s’exprimer, débattre et prendre part aux décisions collectives.

Chaque jour, la réponse, ou la non-réponse, des organisations politiques donne un peu plus raison au mouvement de rejet global de la classe politique. En Espagne, en Grèce, en Italie, en France, comme partout ailleurs, le personnel politique n’a finalement qu’une seule ambition : garder le pouvoir. Pourquoi ? Rien. Garder le pouvoir semble une fin en soi. Et il ne s’agit pas ici que des gouvernements en place, tant il est vrai qu’à l’échelle des communes, départements, régions, circonscriptions législatives, etc. le comportement des élus de tous bords est décidemment le même. Garder le pouvoir.

Voyons en France. Le gouvernement, de scandale en scandale, veut "garder le cap" pour mener à terme les "choix courageux qui s’imposent". Qui s’imposent à qui ? En tous cas pas à ceux qui les mettent en œuvre, ni à leurs amis. Et, plus intéressant encore, imposés par qui ? Le peuple souverain ? Ah, non, c’est vrai, ils s’imposent d’eux-mêmes.

Mais tout ira bientôt pour le mieux puisque les socialistes sont en ordre de marche. En ordre de marche pour redonner la parole au peuple ? Surement un peu puisqu’il y a les primaires citoyennes. Mais pas trop non plus. Car derrière le choix du candidat national se cachent les petits arrangements entre élus locaux multi-mandats et députés multirécidivistes pour la répartition bien ordonnée des sièges au Parlement. Malgré la volonté maintes fois réaffirmée par les militants de mettre fin au cumul des mandats et de mieux représenter la population, l’urgent dans les fédérations socialistes semble de s’assurer que tel député, en outre maire et autres choses bien rémunérées, ayant vu sa circonscription redécoupée en sa défaveur, ait un point de chute bien confortable pour continuer sa "carrière" ; de s’assurer que tel maire bien en vue puisse "naturellement" se présenter sur "sa" circonscription, sans que l’on ne voit trop que cela se fait au détriment de la parité et d’une meilleure représentativité. Et là, point de primaires, quelques militants auront seuls le droit de participer au plébiscite.
Alors on peut sérieusement se demander à quel point ce personnel politique là aura la volonté de réformer le système pour une démocratie réelle tant il s’est adapté à la routine de l’entre-soi.

La chanson disait "ne croyons plus aux lendemains qui chantent, c’est aujourd’hui que l’avenir s’invente, changeons la vie ici et maintenant" et disait juste. La démocratie n’est peut être pas très réelle mais le soleil, lui, brille pour de bon. Alors, pourquoi pas ? Sortir et construire ensemble sur les places une société qui nous ressemble.

vendredi 27 mai 2011

La lettre du jour

C'est celle adressée par David Rey à la députée Brigitte Barèges.

Le blogue du jour continue son ouverture avec cette lettre qui a l’énorme mérite, à mes yeux, de rappeler les bases les plus élémentaires de la notion de responsabilité politique.

Au-delà de Brigitte Barèges, et au-delà de ce sujet, bien des élus gagneraient à revoir leur fondamentaux, et feraient du bien à la démocratie.

mardi 24 mai 2011

Le blogue du jour

Il devient (un peu) collaboratif puisque j'y accueille sur une page annexe le très joli reportage de Julie Saint-André sur la Puerta del Sol.

Avis aux lecteurs : vos contributions sont les bienvenues !

lundi 16 mai 2011

L'archaïque du jour

C'est "la gauche de la gauche".

Du moins, c'est ce qu'explique Gérard Collomb faisant la promotion de son dernier ouvrage dans Paris Match. Une fois encore, il aurait peut-être mieux fait de s'abstenir.

Celui qui se qualifie lui-même de "très strauss-khanien" était en 2006 un soutien incontournable de Ségolène Royal contre... DSK. Très strauss-khanien en effet. Et attendons de voir son évolution dans les prochaines semaines, étant donnée l'actualité.

Alors, Gérard Collomb serait-il une girouette politique de plus ? Pas simplement. Car il a bien une motivation continue, un objectif immuable : la conservation de sa baronnie locale. Si cela veut dire être le féal du chef le plus à la mode, qu'à cela ne tienne. Si cela implique de fouler aux pieds, et le plus médiatiquement possible, les orientations politiques adoptées par la majorité des membres de son parti, qu'à cela ne tienne. S'il faut pour cela perpétuer les combines de la politique à l'ancienne qui font les riches heures de l'abstention et du rejet de la classe politique en général, qu'à cela ne tienne. S'il faut pour cela faire survivre des caricatures vides de sens telles que celle de "la gauche de la gauche" pour escamoter les débats idéologiques qui animent la gauche, qu'à cela ne tienne.

Le proverbe veut que ce n'est pas au vieux singe qu'on apprend à faire la grimace. Dans le cas présent, reconnaissons que parlant d'archaïsme, Gérard Collomb maîtrise son sujet.

mardi 10 mai 2011

La victoire du jour

C’est celle de François Mitterrand, élu Président de la République le 10 mai 1981, il y a trente ans jour pour jour.

On a beaucoup vu circuler sur les réseaux sociaux son premier discours après l’annonce des résultats avec cette phrase : «Nous avons tant à faire ensemble».


Mais c’est l’intégralité de cette phrase et ce qui suit qui me touche le plus.
«Nous avons tant à faire ensemble et tant à dire aussi. Des centaines de millions d’hommes sur la Terre sauront ce soir que la France est prête à leur parler le langage qu’ils ont appris à aimer d’elle.»

Quelle actualité dans ces mots ! Qu’il serait bon d’entendre à nouveau ce discours dans une période où l’on ne sait dire qui l’emporte de la xénophobie crasse ou du populisme électoraliste, où même la gauche manque cruellement d’ambition sur la scène internationale, soit qu’elle a déjà trop à faire à réparer en France les dégâts du sarkozysme, soit que d’aucun ne veuille faire d’ombre au directeur du FMI.

Rappelons-nous des voyages de François Mitterrand, Premier secrétaire du Parti Socialiste, dans le Chili d’Allende et son soutien actif après le coup d’état, dans le Bangladesh en lutte pour son indépendance, ou encore en Egypte au lendemain de la guerre du Kippour.

C’est une responsabilité qui s’impose aux socialistes, internationalistes par définition, et ce serait aussi toute une victoire dans la période actuelle, de faire réentendre, dans notre pays mais aussi partout où l’on veut «vivre et vivre libre», ce langage que le monde a appris à aimer de la France.

mercredi 4 mai 2011

Le ratage du jour

C’est celui d’un homme à la peau visiblement plus foncée que la mienne qui courrait ce matin pour attraper le tram. Sans succès, le tram est parti sans lui.

Comme quoi le degré d’athlétisme ne se mesure certainement pas à la couleur de peau.

Mais, comme la dernière fois, je ne veux pas tirer sur l’ambulance. Le ratage est surtout celui de notre société à faire évoluer les mentalités.

vendredi 29 avril 2011

Le dilemme du jour

Voter Bloc québécois ou Nouveau Parti Démocratique ?

Cette question reste pour moi purement théorique. Mais ce dilemme fait tout de même réfléchir les quelques socialistes français qui s’intéressent à la vie politique québécoise.

D’une part, le NPD est membre de l’Internationale Socialiste. Ce n’est certes pas une condition suffisante à un soutien automatique des socialistes français, sinon ils devraient aussi bien soutenir pas mal de « camarades » dictateurs, mais le NPD est un parti social-démocrate tout ce qu’il y a de plus respectable. Alors oui, partout où un néo-démocrate est opposé à un conservateur et/ou à un libéral, il semble logique de le soutenir.

Les choses sont moins simples dans les circonscriptions du Québec puisqu’on y trouve le Bloc Québécois. Sa principale revendication est la souveraineté du Québec mais il s’assume clairement comme un parti social-démocrate. Comme quoi il faut être français pour croire que le souverainisme est forcément synonyme de droite réactionnaire. De plus, les liens qui unissent les souverainistes québécois aux socialistes français n’ont fait que se renforcer ces dernières années.

Alors que faire ? Se dire que pour une élection fédérale on soutien d’abord notre partenaire canadien, le NPD qui, en plus, semble bien parti pour faire un résultat conséquent que les électeurs québécois pourraient renforcer ? C’est tentant. Même des québécois, tannés du gouvernement conservateur, font ce calcul. On sera toujours à temps de soutenir les souverainistes lors des élections québécoises face aux libéraux. (ndla: C'est effectivement le choix qu'a fait la majorité des  électeurs du Québec le 2 mai, quelques jours après la rédaction de ce billet.)

Oui, mais ça ne marcherait que si ces deux partis pouvaient réellement s’entendre. Or il y a un vrai point de clivage qui n’est pas un détail : la souveraineté du Québec.

Malgré quelques allusions pendant la campagne, il semble clair et net que le NPD ne soutiendra pas l’action d’un éventuel gouvernement souverainiste au Québec. Ce sera certes moins pire qu’un Canada conservateur, mais il faudra de toutes façons une représentation conséquente des souverainistes à Ottawa pour défendre et représenter Québec. Il n’est peut-être pas inopportun de rappeler que si les souverainistes ne sont pas membres de l’IS, c’est en partie parce que le NPD s’y est opposé.

C’est un peu, à mon avis le paradoxe qui fait que le Nouveau Parti Démocratique ne l’est pas complètement. Il m’a fallu du temps pour en convenir moi-même (cf. ce billet) mais, la souveraineté du Québec, c’est tout simplement donner aux québécoises et aux québécois la maîtrise de leur destinée collective et individuelle, c’est la voix démocratique.

Cette opinion est encore loin d’être communément admise parmi les socialistes français, mais c’est peut-être parce que le même paradoxe les habite quand ils se réfèrent, parfois aveuglément, à la IIIème République pourtant assimilatrice et colonialiste. Mais il est souvent compliqué de remettre en cause les préceptes que l’on s’est vu inculquer très tôt.

Pour en revenir au Canada, si le NPD résolvait ce paradoxe, peut être que le Bloc n’aurait pas de raison d’être. Et le jour où le Québec sera souverain, le Bloc n’aura certainement plus de raison d’être.

En attendant, vive le NPD au Canada et vive le Bloc au Québec.


mardi 26 avril 2011

La question du jour

Faut-il ou non que la gauche, et particulièrement le parti socialiste, s’intéresse à tous les sujets ?

On entend souvent dans les rangs de la gauche qu’il ne faut pas tomber dans le piège de la droite, qu’il ne faut pas focaliser notre discours sur ses thèmes : la sécurité, l’immigration, etc. On entend parfois même qu’il y a des sujets de droite et des sujets de gauche.

Dans un sens, ça n’est pas faux. La gauche est plus portée à parler de logement, de pouvoir d’achat, de meilleures conditions de travail pendant que la droite chasse les sans-papiers, ferme les frontières et fait passer la vidéosurveillance pour de la « vidéo-protection ».

Cependant, c’est en ne parlant pas de ces questions que la gauche tombe dans le piège de la droite et admet, d’une certaine manière, que chacun est compétent dans certains domaines et, donc, qu’il n’y a qu’une seule réponse possible à chaque problème. Aux problèmes de sécurité doivent répondre des dispositifs sécuritaires. Aux problèmes sociaux doivent répondre des dispositifs sociaux. Finalement, que ce soit la gauche ou la droite au pouvoir, la seule différence est dans le dosage de ceci ou la priorisation de cela.

Et bien non. Ce qui différencie la gauche de la droite, c’est le regard porté sur les problèmes, c’est une grille de lecture. La particularité des socialistes c’est de toujours mettre au cœur de leur analyse la question sociale.

Parce que quand la sécurité recule, c’est d’abord les plus précaires qui sont touchés. Parce que quand la laïcité recule, c’est d’abord l’autonomie des plus faibles qui est remise en cause, parce que quand l’environnement, la nourriture ou l’eau se dégradent, ce sont d’abord les moins riches qui en pâtissent. Et ainsi, quel que soit le sujet, on peut le comprendre et y répondre en posant d’abord la question sociale. C'est, normalement, la raison d'être des socialistes.

jeudi 21 avril 2011

L'échec du jour

C’est bien sûr celui de la gauche à atteindre le second tour de l’élection présidentielle, il y a neuf ans aujourd’hui.


Il ne s’agit pas de revenir encore une fois sur les raisons de cette défaite, mais plutôt de regarder le chemin parcouru depuis.

Je fais partie de cette génération marquée profondément par le 21 avril 2002. Pas encore majeurs, pas encore vraiment militants malgré un meeting de Lionel Jospin et quelques débats au lycée, lorsque s’affichait le visage de Jean-Marie Le Pen au second tour, nous avons ressenti une indignation féroce nourrie par l’impression de s’être fait dépossédé de ce qui nous était le plus précieux. Ce qui nous était le plus précieux ? Notre assurance que la France était un pays singulier, notre croyance dans la marche inexorable du progrès, notre confiance en l’avenir,…

Cette intuition nous a transportés dans les rues par centaines de milliers. Nous avons marché le 22, le 23, le 24 et tous les jours suivants. Le 1er mai, nous nous sommes retrouvés avec tous ceux qui n’avaient pas pu venir jusqu’alors. Et que disaient nos pancartes ? « Ni facho, ni escroc ! » reflétant le désespoir de beaucoup de ne pouvoir choisir qu’entre la droite qui pue et la droite qui ment. Et, par-dessus tout, un message au monde : nous ne sommes pas cette France-là.

Puis il faut bien trouver un débouché à toute cette indignation car c’est assez d’être impuissants, il nous faut agir. Mais comment ? Contre qui sommes-nous en colère ? Contre l’extrême-droite ? Elle n’a, au fond, que le tort d’exister. Contre la droite qui fête plus ou moins discrètement une victoire jusque là si peu probable ? Pouvions-nous attendre mieux de leur part ? Non. Décidemment, c’est bien contre la gauche que nous en avons à ce moment là.

Plus précisément, c’est l’ordre établi à gauche que nous voulons remettre en cause car les militants sont à nos cotés dans la rue. Et ces militants nous proposent de les rejoindre sur un projet : transformer le PS pour transformer la société.
La transformation du PS ? S’il n’est pas fichu d’être au second tour de la présidentielle, c’est bien qu’il y a quelque chose de pourri dans son fonctionnement.
La transformation sociale ? Bien sûr que c’est ce que nous voulons !
Et puis, c’est ça ou ne rien faire, alors ça vaut le coup de tenter l’aventure.

Neuf ans plus tard, qu’est-ce qui a changé ?

Nous avons à nouveau perdu en 2007. Au moins, nous étions au second tour. Notre candidate nous explique même que c’est une victoire. Ouais, passons.

De victoire en victoire aux élections intermédiaires, le cumul des mandats est toujours la norme, y compris pour ceux qui nous avaient recrutés en 2002 en prônant tout le contraire. De renoncements en contournement des règles, le renouvellement est vraiment marginal et le PS a quand même tout l’air d’une fédération de baronnies locales.

Il se passe quand même quelque chose d’important en 2008 pour le congrès de Reims. Le courant majoritaire ne l’est plus. N’imaginant pas une seconde un autre mode de fonctionnement que le consensus mou, il se range aussitôt derrière celle qui semble la plus « crédible », mot à comprendre ici comme l’antonyme de radical (parce que c’est bien connu qu’on ne peut pas être les deux), Martine Aubry.

Aujourd’hui, force est de constater que le PS a plus travaillé en deux ans que dans les huit années précédentes. Et dans le bon sens, en plus, celui de la transformation sociale. Mais qu’est-ce qu’un projet, même très bon, s’il n’est pas mis en œuvre ? Que font concrètement les socialistes là où ils sont aux affaires ? Ils gèrent. Très bien pour la plupart d’entre eux. Mais combien mettent concrètement en œuvre nos propositions ? Tous et aucun à la fois. De très belles choses sont faites, mais sans aucune cohérence nationale. D’une collectivité socialiste à l’autre, un même dispositif peut porter des noms différents, le public visé n’est pas tout à fait le même. Sur un même territoire, deux collectivités socialistes se renvoient la balle, voire s’affrontent au sujet d’une infrastructure ou d’un aménagement. L’une gère son eau en régie, l’autre en DSP, mais les deux présidents se font prendre en photo avec Danielle Mitterrand à La Rochelle. A croire que nos représentants ont deux cerveaux : un pour le parti et un pour leur mandat. A croire aussi que le PS est décidemment peu de chose face à ses élus.
Au lieu d’utiliser la décentralisation et notre maillage exceptionnel du territoire pour montrer ce que nous feront en 2012, la différence entre la droite et le gauche demeure bien floue aux yeux de nos concitoyens.

Ce problème est intimement lié à nos pratiques. Rénover le parti est devenu une revendication de tous, à condition de le faire plus tard. La fin du cumul des mandats est toujours une promesse. On voulait être exemplaire avant 2012 ? On attendra après. Et on le fera peut-être. Heureusement il y a les primaires. Après avoir réussit à faire revenir des intellectuels dans ses débats, ce qui est déjà une belle réussite, le PS va enfin s’ouvrir en grand, en très grand. Espérons que le message passera et que le peuple de gauche n’est pas définitivement désabusé. En tous cas, démontrons que ce n’est pas du bluff.

En 2002, le nez dans le guidon, l’échec a pu faire l’effet d’une bombe. En 2012, les socialistes n’auront pas cette excuse, tous les signaux d’alerte sont activés.
On sait que les dix années qui viennent de passer ont eu un effet ravageur sur l’espoir qu’ont les gens que la politique améliore leur vie. On sait aussi que cette désillusion vaut autant pour la gauche que pour la droite, à tort ou à raison. On sait enfin que le monde entier est agité par une même revendication : reprendre la maîtrise de nos destinées individuelles et collectives.

Il faut donc que le PS en tire les conclusions qui s’imposent et qu’enfin, pour de vrai, il ne se borne pas à proposer l’alternance. On ne gagnera pas avec les pratiques qui nous ont fait perdre. On ne gagnera pas avec les postures qui nous ont fait perdre. On ne gagnera pas non plus avec la génération politique qui nous a fait perdre. Le peuple de gauche, en particulier les jeunes, ne pourront pas se contenter de glisser un bulletin dans une urne, il faut leur proposer de s’approprier collectivement cette campagne. Parce que si l’échec du jour est bel et bien celui d’hier, il est hors de question qu’il soit celui de demain.

mardi 5 avril 2011

Le prix d'excellence du jour

C’est celui remis à Gérard Collomb, maire de Lyon, dans la catégorie histoire contemporaine, grâce à cette thèse annoncée dans un reportage d’i-télé :

« La pire période du logement en France, ça a été les lois de 1948 qui interdisaient l’augmentation des loyers qui ont amené à une véritable pénurie de logement »

Le jury veut récompenser l’audace de cette théorie qui ne tient aucun compte des destructions massives intervenues durant la 2ème guerre mondiale (1939-1945, pour rappel), ni du début de l'exode rural, et qui permet donc de comparer exactement la France de 1948 et celle de 2012.

jeudi 31 mars 2011

L'inconséquence du jour

C'est celle des élus UMP de Mayotte.

Mayotte devait devenir aujourd'hui le 101ème département de la République lors de la première réunion de son Conseil général nouvellement élu.

Pourtant, les conseillers UMP, minoritaires dans les urnes, n'ont pas pris la peine de se déplacer pour cette séance plénière historique, empêchant du même coup que le quorum nécessaire à l'ouverture de la séance soit atteint.

Au mépris de toute la tradition républicaine (mais est-ce si surprenant ?), de la décence et de la responsabilité politique les plus élémentaires, Mayotte attendra donc que ces messieurs aient pansé les plaies de leur ego.

samedi 26 mars 2011

La définition du jour

Normale saisonnière : qu'on soit au dessus ou au dessous, température que l'on n'atteint jamais.

mercredi 16 mars 2011

Les incendies du jour

Quand il y a le feu, l’instinct premier de chacun est de vouloir l’éteindre. Cela semble un élan des plus naturels.

Il en va ainsi des incendies allumés par le séisme extraordinaire qui a secoué – et secoue encore – le Japon. La planète entière vit désormais au rythme des tentatives désespérées d’éviter le pire dans les centrales nucléaires nippones. Des équipes de sauvetage venues de partout s’affairent pour soutenir la population, évacuer les sinistrés, sortir les blessés des décombres…
Bref, des pompiers du monde entiers viennent éteindre les incendies et c’est bien sûr pour le mieux.

Mais ce geste n’est certainement pas tout à fait désintéressé. Parce que du feu nait le nuage de fumée, et que ce nuage là est particulièrement toxique. Il est toxique par ses particules radioactives qui pourraient se promener sur la planète au mépris des frontières mais il est également toxique pour les finances de tous ceux que l’économie japonaise fait vivre et enrichit. Moins le peuple japonais aura à subir de dommages, mieux le monde entier se portera.

D’autant plus saisissant est le contraste avec les atermoiements et le peu d’empressement dont font preuve les mêmes à soutenir le peuple libyen. Pourtant, là aussi l’incendie fait rage. Pourtant, là aussi une calamité s’abat sur la population civile.
Mais de ce feu et de ce fer qui tombe sur les combattants pour la liberté en Libye nait un nuage bien différent. Cette fumée là, plus subtile, pourrait se répandre sur tout le monde arabe, et au-delà, pour insidieusement rappeler qu’une révolution ne se gagne pas toujours et qu’il en coute bien de la peine, du sang et des larmes à ceux qui s’y risquent.

Et nos pompiers retrouvent alors leurs âmes d’exploitants qui savent bien que sur cette terre brulée ils pourront encore mieux faire prospérer leur exploitation.

lundi 7 mars 2011

Le dilemme du jour

C’est un peu ira, ira pas. Parlant de la Lybie, bien sûr.

La situation est encore un peu floue, mais il est certain que Mouammar Kadhafi utilise la force armée contre le peuple libyen, soulevant une indignation bien naturelle de la part des observateurs internationaux.

Mais au-delà de l’indignation, quels gestes pose-t-on ? Comment se fait-il que la fameuse «communauté internationale», si prompte à s’émouvoir, le soit d’autant moins à agir ?

En fait, je ne suis pas tout à fait juste. Les Etats-Unis d’Amérique ne sont pas loin, certainement prêts à ne laisser à l’abandon ni le peuple libyen, ni ses puits de pétrole. Car le voilà bien le véritable problème. Comment passer outre cet a priori que quiconque interviendrait aurait sinon des vues colonialistes, du moins un intérêt à se trouver sur place au moment de la distribution des contrats ?

Les libyens semblent résolus à en finir avec ce régime qui les tient sous son joug depuis 1969. C’est un moment crucial de leur histoire sur lequel il serait vraiment dommage de laisser planer le doute de l’impérialisme. Une intervention en Libye dépossèderait du même coup les libyens de leur révolution.

Mais doit-on pour autant ne rien faire du tout ? Je crois qu’il suffit d’entendre ce que veulent les libyens, c'est-à-dire la fermeture de l’espace aérien au dessus du sol libyen. Cette mesure à le double avantage de faire disparaître un danger contre lequel les armes légères des insurgés ne peuvent rien et de ne pas nécessiter d’intervention sur le sol libyen.

L’USS Enterprise est déjà sur place, il reste à voir si le capitaine Kirk mettra ses actes en conformité avec son indignation.


lundi 28 février 2011

Les anonymes du jour

Ce sont bien sûr les ministres qui ne le sont plus.

On comprend bien, d'ailleurs, que Nicolas Sarkozy n'ait pas voulu les nommer, car il n'y a pas de quoi être fier. Michèle Aliot-Marie incarne à la fois l'échec patent de la diplomatie française et les conflits d'intérêt que ce gouvernement a érigé en mode de gouvernance. Quant à Brice Hortefeux, il est simplement de ces individus à cause desquels on ne peut plus dire que l'on est français sans un sentiment diffus de honte.

Au contraire, la politique étrangère de la France a été nommée, et plusieurs fois, sans qu'on nous en parle vraiment. Le changement de tête entrainera sûrement quelques ajustements marginaux, mais en l'absence de mots il faut donc juger les actes et je retiens de ces derniers jours que la ministre des affaires étrangères empêchée a été remplacée dans les voyages importants par la ministre de l'économie. C'est tout dire.

Quelque chose me plait néanmoins dans cette période : la place que pend la politique étrangère sur la scène nationale. Les Tunisiens peuvent enorgueillir du nombre de ministres qu'ils auront fait tomber.

A ce sujet, le discours de Nicolas Sarkozy m'a rappelé un refrain :
"Je voudrais sans la nommer
Vous parler d'elle..."
Car s'il a eu assez de vergogne pour ne pas nommer les ministres déchus, il n'a pas non plus souhaité nous donner le nom de celle qui est finalement responsable de tout ça et qui, j'espère, prendra de plus en plus de place, ici et ailleurs, pacifique ou un peu moins, en tous cas démocratique.
"On l'appelle Révolution permanente."


jeudi 10 février 2011

Le conseil du jour

C'est celui que nous donnait Jacques Prévert, il y a déjà longtemps. Pourtant ce conseil est d'une actualité éclatante aux yeux de qui observe comment est gouverné notre monde.

Il ne faut pas laisser les intellectuels jouer avec les allumettes
Parce que Messieurs quand on le laisse seul
Le monde mental Messieurs
N'est pas du tout brillant
Et sitôt qu'il est seul
Travaille arbitrairement
S'érigeant pour soi-même
Et soi-disant généreusement en l'honneur des travailleurs du bâtiment
Un auto-monument
Répétons-le Messsssieurs
Quand on le laisse seul
Le monde mental
Ment
Monumentalement.

mardi 1 février 2011

La mauvaise note du jour

C'est celle qu'on donne évidemment aux mauvais élèves.

Ces affreux garnements qui cherchent à s'émanciper, à faire leurs devoirs par eux-même au lieu de copier bêtement sur les premiers de la classe. Ceux qui osent dire au surveillant qu'ils en ont assez de faire des lignes et qu'ils préfèreraient aller jouer dans la cour des grands. Ceux qui sont curieux des nouvelles technologies, qui se montrent créatifs, qui veulent s'amuser avec l'art et faire de la culture un levier pour s'épanouir.

Ceux-là ne méritent donc qu'un bon coup de règle sur les doigts et d'aller se calmer au coin. Ils reprendront leur place au fond de la classe quand ils auront compris qu'il n'y a rien a comprendre et qu'il suffit de réciter comme on leur a appris.

Comment ça, c'est injuste ? Plus aucun pédagogue digne de ce nom n'appliquerait de tels préceptes ?

C'est pourtant bien ce que font les agences de notations aux pays qui voudraient gagner en maturité, non ?



jeudi 20 janvier 2011

La valse du jour

C’est la valse des dictateurs. Un œil cynique trouverait ça drôle.

En Tunisie, Zine el-Abidine Ben Ali quitte le pouvoir bien malgré lui a hum de cailhau. Et c’est bien le cas de le dire tellement tout semble prêt à s’embraser, pour le meilleur ou pour le pire. En parlant de cailloux, certains n’ont pourtant pas été oubliés dans le déménagement. Chacun ses valeurs.
Heureusement, le monde s’indigne. Ouf, on aurait pu croire à un moment que le régime était soutenu par les démocraties occidentales, la France en tête.

En Haïti tout au contraire, c’est le fracassant retour de Baby Doc, aka Jean-Claude Duvalier. Profitant du chaos politique – voire du chaos tout court – il fait un retour remarqué dans le pays qui a été sous sa férule, et celle de ses tontons macoutes, de 1971 à 1986. La justice haïtienne parait prendre des dispositions, mais l’ancien dictateur est toujours libre.
A noter que Jean-Claude Duvalier ne sort pas de nulle part puisqu’il vivait son exil… en France.

Enfin, il nous faut citer le cas de la Biélorussie. Alexandre Loukachenko vient d’y être réélu président avec près de 80% des voix et sera réinvesti demain. Depuis 1994, il a eu le temps d’éprouver un système électoral qui lui réussit plutôt bien : molester et emprisonner les autres candidats avant même la fin du scrutin pour éloigner les gêneurs lorsque l’on proclame les résultats « officiels ». Certes, il se trouve toujours quelques fauteurs de troubles pour aller se jeter sous les matraques de la police, mais les fameuses démocraties occidentales sont fort opportunément trop occupées à expliquer à quel point elles détestent le régime tunisien depuis toujours. Et puis s’il y avait des dictatures en Europe, ça se saurait.

Bref, Ben Ali peut être serein. Les démocraties occidentales veillent au grain. Elles regrettent certainement en secret qu’il n’ait pas eu la dextérité de Loukachenko, mais elles regarderont d’un œil bienveillant, bien que discret, un éventuel retour à la Duvalier.

Je vous l’ai dit : un œil cynique trouverait ça drôle.

lundi 10 janvier 2011

L'innovation du jour

C’est celle sans laquelle ne pourra survivre l’industrie de notre pays.

Effectivement, plus personne ne peut sérieusement affirmer que l’économie de la France pourra se satisfaire du seul secteur tertiaire. Cela implique donc une véritable politique industrielle et des investissements massifs en recherche, développement et innovation.

Pourtant, on annonce ces derniers jours près de cent licenciements chez Photowatt, premier fabricant de panneaux photovoltaïques en France, afin de «faire face à un marché mondial très concurrentiel». C'est-à-dire qu’on délocalise. Et cela nous rappelle de manière un peu abrupte que ce qui est innovant un jour ne l'est plus le lendemain.

Il ne faut donc pas confondre ce qui est indispensable et ce qui est suffisant. L’innovation, le développement de technologies de pointe sont certainement nécessaires à une politique industrielle digne de ce nom. Mais pas suffisantes.

Il faut aussi ce souvenir que, par nature, une innovation chasse l'autre et que c'est un facteur d'instabilité qui induit une certaine pression sur la production industrielle. Pour empêcher que cela ne se traduise par exemple par un mal être social ou des conséquences environnementales, il faut contrebalancer cette instabilité.

Je propose aux responsables politiques d’innover en prenant un peu plus au sérieux les débats qui naissent à gauche sur la question du protectionnisme.


jeudi 6 janvier 2011

La catastrophe du jour

C'est celle qu'a vécue la Guadeloupe ces derniers jours avec la mort de plusieurs personnes suite aux inondations et glissements de terrains.



Loin de moi l’idée de nier le caractère évidemment tragique de ce fait. Mais ma surprise vient du traitement massif qui a été réservé à cette information par les media métropolitains.

Au vu de l'air perplexe du préfet de la Guadeloupe, interrogé lors du journal de la nuit de France 3, je n'étais pas le seul surpris par cet intérêt aussi immense que soudain. Face au présentateur qui attendait une description croustillante et néanmoins cataclysmique de la situation, notre bon préfet n’a pu que répondre que tout était finalement assez vite rentré dans l’ordre, décevant profondément les attentes du présentateur qui a rapidement abrégé la discussion.

Le fait que les Antilles et la Guyane vivent des mouvements sociaux de grande ampleur de manière chronique depuis les événements de 2009, et pour les mêmes raisons auxquelles aucune réponse satisfaisante n'a été apportée, semble par contre totalement dépourvu d’intérêt.

Quitte à parler de véritable catastrophe penchons nous plutôt sur le traitement de l’information dans notre pays.