jeudi 30 septembre 2010

La loi du jour

C'est la loi 103.

Il faut d’abord savoir que le Québec donne à ses projets de loi des numéros. Par exemple, la loi faisant du français la langue officielle du Québec s’appelle la loi 101. Ce n’est pas un système plus bête qu’un autre, mais je n’ai toujours pas bien compris en vertu de quoi une loi portait tel ou tel numéro.

La loi 103 a vocation à préciser, entre autres, les conditions d’accès aux écoles anglophones. C’est actuellement un des débats les plus brûlants au sein de l’Assemblée Nationale. Mon but ici n’est absolument pas de prendre position pour ou contre cette loi, mais plutôt de partager mon bonheur total d’assister de près à ces débats. La question linguistique, et plus largement celle de l’identité et de l’appartenance, sont continuellement au cœur du débat public québécois. Et grâce à l’étude de la loi 103, qui soulève de fortes passions, c’est encore plus vrai en ce moment.

Le contraste avec les débats trop vagues, organisés à la sauvette et avec beaucoup d’amateurisme en France est saisissant. Moi qui venait justement ici avec l’envie de prendre du recul sur ces débats, d’avoir un aperçu de ce que peut être un débat passionné, certes, mais sérieux, je suis amplement servi. Et je suis d’ores et déjà certain que mes positions sur les questions de langues, en particulier les langues régionales, sur les questions d’appartenance à une communauté ou encore la question de la francophonie dans le monde seront profondément marquées par mes observations et mes rencontres ici.

mardi 21 septembre 2010

La (presque) remise en cause du jour

Une petite phrase, presque l’air d’un reproche, me trouble assez pour me faire remettre en question une position que je pensais pourtant bien solide : mon fédéralisme européen.

En effet, j’ai l’impression que certains militants souverainistes au Québec entendent notre fédéralisme comme identique à celui des fédéralistes ici. Ils semblent nous dire : «Pourquoi allez-vous vous enferrer dans cette galère dont nous voulons nous extraire ?». Et il est vrai que la question mérite d’être posée.

Dans l’hypothèse d’une fédération européenne, quelle sera la marge de manœuvre des gouvernements des états ? Les états les plus progressistes pourront-ils avoir les coudées franches ? Quelle serait notre réaction, par exemple sur l’avortement, si l’Union arbitrait démocratiquement en faveur des pays qui l’interdisent ?

Mais plus je passe de temps dans ce pays, plus je discute avec les gens et plus je m’intéresse à son histoire, plus je comprends qu’on ne peut pas faire de parallélisme entre le Canada et l’Europe. Pour une raison principale : vingt-sept états composent l’Union européenne, et au mois autant de peuples, sinon plus. En aucun cas, dans un régime démocratique, un seul peuple ne pourra imposer ses vues aux autres. La décision se fait, et se fera d’autant plus dans une fédération, sur des critères politiques. Pour reprendre mon exemple, je vivrai très mal une prohibition de l’avortement mais d’autres français pourraient la vivre bien. En tout état de cause, cette question est politique et non nationale. Et le rapport de force est susceptible de changer.

Par contre, outre les amérindiens, il y a deux peuples au Canada. Je ne saurais pour l’instant dire s’il est pertinent ou non de faire l’indépendance, mais il est certain que, dans un système où la prise de décision se fait à la majorité, les canadiens français ont toujours subi, et subiront encore, les décisions prises par les canadiens anglais. Certes, la spécificité des canadiens français est de plus en plus reconnue par le Canada, mais on ne peut pas faire abstraction de plusieurs siècles d’histoire où, objectivement, il a plus souvent été question d’assimilation des canadiens français (comprendre disparition de leur culture) que de respect. Cette question garde donc principalement un caractère émotionnel.

Pour conclure provisoirement, je suis un peu rassuré : même si je venais à admettre que la souveraineté du Québec est souhaitable, ça n’aurait pas d’incidence sur mon avis en faveur du fédéralisme européen. Par contre, et c’est exactement pour ça que je suis ici, je suis de plus en plus conscient des garanties qu’il faut établir avant de se lancer de manière irréversible dans cette voie.