jeudi 16 février 2012

Le référendum du jour

C'est assez troublant comme deux actualités, de chaque bord de l'océan, peuvent parfois se télescoper sur un mot. Hier c'était le mot référendum dont il a été question en France comme au Québec.

Le référendum a ses inconvénients et ses avantages, ses détracteurs et ses adeptes. On peut l'accuser de dévoyer la démocratie représentative mais on peut aussi en faire l'outil d'expression d'un peuple à un moment crucial. Je pense surtout que le référendum est essentiellement un outil et que, comme pour tout outil, c'est la façon dont on l'utilise et l'objectif pour atteindre lequel on y a recours qui déterminent se légitimité ou non. Alors comparons.

A ma droite, la France. Nicolas Sarkozy évoque depuis quelques jours cette idée d'organiser des référendum sur des sujets tels que le chômage ou l'immigration. Il a confirmé cette intention hier lors de sa déclaration de candidature. Comment ? Bien que la Constitution prévoit quelques gardes-fous, il peut décider à peu près seul de la question qui sera soumise aux français et de la date du scrutin. Selon une vision bonapartiste/gaulliste, c'est entre lui et le peuple que ça se passe. Pourquoi ? En l’occurrence, ce n'est qu'une promesse puisqu'il lui faut d'abord rester Président. Le but est donc clairement électoraliste. Une tentative quand même un peu pathétique de convaincre (de se convaincre ?) qu'il existe encore quelque chose entre les français et lui. De plus, il le fait avec ces sujets dont il a le secret et qui ne peuvent que conduire à la caricature sinon la stigmatisation. En détournant ainsi l'outil de démocratie directe que peut être le référendum, auquel les français sont effectivement attachés, et en poussant à toujours plus de division, il ne fait qu'aggraver le ressentiment à son encontre, selon moi.

A ma gauche, le Québec. Ici, c'est Pauline Marois qui annonçait hier les cinq mesures que mettrait en œuvre le Parti Québécois pour améliorer les institutions démocratiques.


Parmi ces cinq mesures, on trouve le référendum d'initiative populaire, autour duquel on a glosé pas mal dans les médias ces dernières semaines. Dès le nom, on note que l'optique est renversée, il ne s'agit plus d'un homme seul qui s'adresse de manière plus ou moins paternaliste à "son" peuple, mais d'un peuple qui s'organise pour interpeller ses responsables politiques. Comment ? On l'entend clairement dans le message de Pauline Marois, selon des règles précises qui évitent les débordements et respectent le rôle du parlement mais surtout, et c'est ce que je trouve très pertinent, qui incite les citoyens à une action collective et au rassemblement. Mobiliser 15% de la population, ce n'est pas rien. Mais si on y arrive, quel élan, quelle force d'entrainement pour la campagne référendaire qui suit ! Pourquoi ? Là encore ce n'est qu'une promesse pour le cas où le PQ formerait le prochain gouvernement. Mais ce n'est pas la promesse d'aborder tel ou tel sujet pour flatter un électorat, c'est la promesse de plus de débat démocratique, de plus d'investissement de chacun et de tous dans la vie collective.

J'aime décidément beaucoup cet exercice de comparaison, de mise en perspective, de regarder ici avec les yeux de là-bas et là-bas depuis ici parce que j'en déduis presque toujours qu'au fond rien n'est bon ou mauvais en soi. Mais il y a des valeurs et des principes qui sont autant de toises pour mesurer ce qui est juste ou non.

mardi 14 février 2012

L'entrevue du jour : Peggy Nash

Peggy Nash, députée du Nouveau Parti Démocratique au parlement du Canada, est candidate à la succession de feu Jack Layton comme chef du NPD. J'ai pu la rencontrer en marge du débat public entre les candidats à ce poste organisé hier à Québec. Vous pourrez certainement trouver de bons compte-rendus de ce débat dans les médias canadiens. Mes questions portent plutôt sur les sujets que j'ai l’habitude de traiter sur ce blogue.




Quelles sont vos trois priorités dans cette campagne ?
Ma toute première priorité est de bâtir le mouvement. Ici au Québec, nous avons connu lors des dernières élections ce qui a été appelé la "vague orange" qui nous a donné un grand nombre de députés. Mais il faut reconnaître que sur le terrain nous n'avons pas encore la structuration nécessaire. Le développement du NPD au Québec est un grand défi mais dans le reste du Canada, nous devons aussi travailler fort pour être capables gagner de nouveaux sièges aux prochaines élections et former le premier gouvernement NPD.
Sur le fond, j'ai mis les questions économiques au cœur de ma campagne. Je veux combattre l'idée reçue de l'incompétence du NPD sur ce sujet avec trois objectifs : la création d'emplois de qualité, l'investissement public dans les infrastructures et les transports en commun et la croissance écologique.
Enfin, je veux montrer qu'au delà de Jack, il y a au NPD toute une équipe de grande qualité. Je peux résumer en un mot : la crédibilité. La crédibilité de nos idées sociales-démocrates et la crédibilité de notre équipe.

Le débat d'aujourd'hui portait sur la place du Canada dans le monde. Pour poursuivre un peu sur cette thématique, pensez-vous que le NPD puisse s'investir un peu plus dans l'Internationale Socialiste qu'il ne l'a fait ces dernières années ?
Oui. Mais il faut savoir qu'avec quatre élections générales en sept ans, nous avons surtout été sur le terrain. Et je vous l'ai dit, comme nouvelle chef, je vais devoir bâtir le parti ici au pays. Mais il est important d'être à l'écoute et d'avoir des échanges avec les autres pays socialistes et sociaux-démocrates. Il est inutile de réinventer des solutions qui existent déjà ailleurs.

Plusieurs pays font face à des difficultés importantes, surtout en Europe, du fait de leurs dettes et la situations est en train de dégénérer en Grèce. Quelle est votre approche des politiques de rigueur qui sont préconisées ?
J'admire les pays qui arrivent à offrir à leurs citoyens de très bonnes conditions de vie. Je pense à la France, l'Allemagne ou encore à la Suède. Il faut se souvenir que ce sont les mauvaises pratiques révélées en 2008 qui ont provoqué cette situation. Or les responsables sont toujours impunis. Il faut plus de réglementation dans le secteur financier, en particulier une taxe sur les transactions financières. J'ai entendu que le Président français a annoncé qu'il le ferai même seul. Ce n'est pas réaliste. Il faut le faire à plusieurs, mais il faut le faire.
J'ai l'habitude de dire que l'austérité n'est pas le moyen d'aider une économie en difficulté parce que ça empire le chômage et la dette. Il faut relancer l'investissement pour relancer la croissance. Au Canada, les conservateurs vont nous imposer un budget de rigueur or notre balance commerciale est déficitaire, les entreprises privées n'investissent plus et les ménages sont très endettés. Le seul levier restant est l'investissement public.

jeudi 9 février 2012

La finale de 100 mètres du jour


C’est une image que je vais utiliser pour vous parler des élections générales au Québec.

Aujourd’hui plus que jamais, tous les partis provinciaux sont dans les starting-blocks et attendent avec impatience le signal du départ. Amis français, préparez-vous à un choc culturel : au Québec, le mandat des députés n’a pas de durée fixe. C’est le Premier ministre, chef de la majorité parlementaire, qui décide seul de la date du prochain scrutin. Entre l’annonce et l’élection, il se passe un mois. Juste un mois de campagne électorale. Voyez si la comparaison avec le sprint prend tout son sens.

Un 100 mètres quand même un peu spécial puisqu’il se court en équipe. En effet, le scrutin est uninominal à un tour. Dans chaque circonscription, le candidat arrivé en tête est élu député, quel que soit son score. Imaginez donc une ligne de départ avec dans chaque couloir un champion, le chef du parti, entouré de tous les candidats que son parti présente dans chaque circonscription. Ça en fait du monde sur la piste. Alors, pour y voir clair, et puisqu’ils n’ont qu’un mois pour trancher, les québécois se focalisent souvent sur le chef et votent pour le parti, sans réellement tenir compte de qui est le candidat local. Nous ferons de même.

Je vous laisse consulter les sites spécialisés pour ce qui est des outsiders de cette course et je ne vais ici me focaliser que sur les trois partis qui ont une chance réelle d’être sur le podium à l’arrivée.

Commençons par le nouveau venu : la Coalition Avenir Québec. Nouveau venu, parce que c’est la première fois que ce parti participe à la course. C’est d’ailleurs son argument principal : le renouveau. Mais si on regarde un peu mieux le chef, comme les autres candidats un peu connus, on constate qu’il s’agit plutôt d’une sorte d’équipe de vétérans dont les autres partis ne voulaient plus ou dont le parti d’origine n’était tout simplement pas sûr de pouvoir s’aligner seul (l’ADQ par exemple). Ce parti a tout intérêt à ce que la course soit lancée le plus tôt possible car chaque jour qui passe, c’est un peu du verni de la nouveauté qui s’effrite pour laisser voir la dure réalité.

Au rang des solides prétendants, il y a bien sûr le Parti Québécois. Solide est quand même un bien grand mot tant il est vrai qu’il est toujours en phase de convalescence après une blessure qui a laissé craindre le pire (je fais bien le commentateur sportif, hein ?). Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai déjà développé ici, mais des partis qui ont été au fond du trou et qui se relèvent encore plus fort, on en a connu, et le PQ, fort de la détermination de sa chef, Pauline Marois, et de ses toujours nombreux militants, est indéniablement dans une phase ascendante. S’il est moins pressé que la CAQ, il aimerait cependant profiter de ce regain de vigueur pour se lancer dans la course.

Enfin, le Parti Libéral au pouvoir. Son chef Jean Charest, le Premier ministre, est à la fois coureur et starter de cette course, ce qui lui donne un avantage indéniable. Il est cependant très usé par neuf ans de pouvoir et des scandales financiers à répétition. Il aurait tout intérêt à attendre que la CAQ se désagrège encore un peu et éventuellement de parier sur une de ces rechutes dont le PQ a le secret. Mais il est aussi pressé par une commission d’enquête sur le milieu de la construction, qui doit débuter dans les prochaines semaines, et qui pourrait éclabousser du monde de son entourage, sinon directement lui-même. En tous cas, son arbitrage ne se fera pas selon ce qui est le mieux pour le Québec mais bien en fonction de ce qui est le moins pire pour lui. Un avantage à double tranchant car si les québécois sont très patients, ils n’aiment pas non plus qu’on les prenne trop longtemps pour des idiots.

Comme dans un sprint, toute équipe qui veut gagner doit surtout avoir une préparation irréprochable. De ce coté, chacun a affûté ses armes. On attend plus que le signal de départ. Et que le meilleur gagne.