dimanche 7 octobre 2012

Le début laborieux du jour

C'est celui du mandat de François Hollande.

Depuis le Québec, les échos qui me parviennent des médias français me laissent croire à un début de mandat catastrophique. 


Mouais. J'ai tendance à penser que vu la situation en Europe et en France, on peut reprocher au nouveau gouvernement de ne pas encore avoir fait le plein emploi mais que c'est de la mauvaise foi caractérisée. On voit bien que des jalons sont posés pour redresser la situation de l'emploi. On voit bien aussi qu'il n'y a plus un plan de licenciements qui passe inaperçu. On voit bien aussi qu'on s'attaque au redressement de la situation budgétaire en renouant avec la justice fiscale.

A vrai dire, s'il y a un domaine dans lequel je fais particulièrement confiance à ce gouvernement, c'est celui de l'économie, au sens large. Mais alors les médias seraient de mauvaise foi ? Oui. D'autant qu'il est plus facile de vendre du papier et du temps d'antenne aux français quand on leur donne l'occasion de râler qu'en leur racontant des choses plus complexes et nuancées. Mais pas complètement.

J'ai une autre source de nouvelles provenant de France : mes petits camarades socialistes. Et de ce coté là non plus, les échos ne sont pas triomphants. Pour être précis, ils sont de deux ordres : ceux des zélotes intéressés à travers les lignes desquels il faut lire la difficultés à trouver des raisons de s'enthousiasmer de manière outrancière, et ceux des militants critiques toujours trop critiques qui quoi qu'il en soit ne se satisfont jamais de l'action gouvernementale . Ce qui me met la puce à l'oreille, c'est que ces deux groupes ne parlent pas des mêmes sujets. Autrement dit, les uns ont du mal à défendre ce que les autres critiquent.

Un sujet fait exception : le traité européen de stabilité budgétaire. Là, il y a un vrai débat dans lequel chacun défend ses positions avec des vrais arguments. Mais ce débat, et la façon dont il est tranché par le gouvernement, met d'autant plus en évidence le silence gêné et les petites résignations mesquines qui accompagnent les autres décisions. Ou absence de décision, en fait.

Sur le non-cumul des mandats, l'attestation de contrôle d'identité ou le droit de vote des étrangers, il était facile de marquer des points, de montrer le visage d'un gouvernement en action décidé à réaliser le changement sur des aspects de la vie quotidienne des français, surtout ceux qui l'ont élu. Mais non, malgré les discours grandiloquents et plein d'humanisme de la campagne, on n'en finit plus de tergiverser, voire on abdique avant même de mener la bataille. Bref, on renonce.

Certes, ces sujets ne sont pas au cœur de l'actualité et des commentaires des analystes, qui préfèrent parler de l'économie, de l'emploi ou de l'Europe. Mais le climat est installé. Et il devient difficile de croire qu'un gouvernement va se tenir debout sur des sujets complexes qui demandent des politiques ambitieuses de long terme quand on le voit incapable de rester ferme sur ce qu'il présentait il y a juste quelques mois comme des questions de principe.

mardi 14 août 2012

Les contradictions du jour

Ce sont celles de François Legault, chef de la Coalition Avenir Québec (CAQ) rapportées par le Parti libéral du Québec dans cette publicité négative.


Le même Parti libéral qui crie sur toutes les ondes qu'il a fait le choix d'une campagne positive. Mais la situation a évolué depuis quelques jours. Et c'est ça la véritable information de ce virage dans la campagne du PLQ : à cause du discrédit du gouvernement actuel, l'électorat libéral est particulièrement démobilisé et même des circonscriptions anglophones, forteresses du PLQ, pourraient tomber dans l'escarcelle de la CAQ, seul autre parti fédéraliste. Alors le PLQ panique, et cherche à rassembler sa base électorale.

Deuxième preuve : une deuxième publicité lancée simultanément.


Une publicité que j'ai du mal à qualifier de négative, même si elle est prévue comme telle, tant elle est juste vraie. Pauline Marois veut faire du Québec un pays. Et elle en est fière. Cette publicité ne découragera personne de voter pour le PQ, bien au contraire.

Mais en agitant le spectre d'un référendum, c'est bel est bien la base de son électorat, souvent anglophone (les deux publicités sont d'ailleurs disponibles en anglais), que le PLQ veut effrayer et, donc, mobiliser. Le message, en deux temps, est donc clair : 1/ la situation est grave car les souverainistes au pouvoir déclencheraient un référendum qu'ils ont des chances de remporter et 2/ la CAQ n'est pas une alternative fiable.

Alors qu'il reste encore trois semaines de campagne, c'est à croire que le PLQ a déjà acté sa défaite et qu'il cherche à limiter la casse en restant l'opposition officielle et ne pas se faire doubler par la CAQ.

lundi 13 août 2012

Les ressemblances du jour

Ce sont les ressemblances troublantes entre la campagne de Jean Charest, premier ministre sortant au Québec, et celle conduite par Nicolas Sarkozy lors de la dernière élection présidentielle.

Le roi de l'économie
Jean Charest et son gouvernement sont les champions de l'économie. La preuve : le Québec est pas pire dans la crise. Nicolas Sarkozy nous avait expliqué la même chose. C'est vrai, les deux sont les champions d'une certaine vision néo-libérale de l'économie. En France comme au Québec, baisse des impôts pour les plus riches et pour les grosses entreprises, création d'une ribambelle de taxes sur les ménages de la classe moyenne. Et en France comme au Québec, explosion de la dette. Des vrais champions.

Un chef incontesté
Jean Charest a un second point commun avec Nicolas Sarkozy : il est le chef incontesté du Parti libéral. Incontesté parce que, comme à l'UMP, tous ceux qui pouvaient porter la moindre contestation ont été fermement priés de se taire ou sont partis.

Une équipe démobilisée
Comme celui de Nicolas Sarkozy, le mandat de Jean Charest a été marqué par un grand nombre de scandales politico-financiers et par autant de démissions au sein de son gouvernement. De plus, à la veille de l'élection et en pleine crise étudiante, plusieurs piliers du camp libéral ont annoncé leur décision de ne pas se représenter. Si encore ces pertes étaient compensées par une arrivée de candidats vedettes, on aurait pu parler d'un renouvellement. Mais non. Comme autour de Nicolas Sarkozy, ceux qui restent sont les acharnés et les roquets. Beaucoup d'agressivité mais peu d'enthousiasme.

La peur de la rue
Comme ceux de Nicolas Sarkozy, les déplacements de Jean Charest sont très encadrés par les forces de police. Et l'on s'arrange pour que les caméras soient tenues au loin en cas de dérapage. Tant et si bien que les journalistes qui suivent le chef libéral en campagne ont songé à surnommé leur bus "le panier à salade". On se souvient des cars de CRS stationnés en permanence devant le local de campagne de l'UMP. La fin de semaine dernière, le rassemblement des jeunes militants du PLQ n'était accessible qu'en traversant des check-points de la Sureté du Québec.

La faute des autres
Tout comme Nicolas Sarkozy, qui voulait être président de tout, n'était responsable de rien, les ministres du PLQ ont toujours une bonne excuse pour les dysfonctionnements. En France, alors que le dernier gouvernement socialiste a pris fin en 2002 (et encore, il s'agissait d'une cohabitation avec un Président UMP), c'était évidemment ce dernier qui était responsable de tous les retards économiques, sociaux ou autres. Tellement que la twittosphère avait inventé ce magnifique hashtag: #lafauteaux35h. Au Québec, les ministres libéraux se dédouanent à longueur de temps sur leurs prédécesseurs. La dette ? La faute à Marois qui a trop dépensé quand elle était ministre des finances. La santé ? La faute à Marois qui a trop économisé quand elle était ministre de la santé. C'est incohérent ? Oui, mais c'est pas grave, c'est de la faute du Parti Québécois, qui a quitté le pouvoir il y a... 9 ans.

La faute des journalistes
"On parle beaucoup d'éthique en politique, mais on pourrait aussi s'interroger sur l'éthique des journalistes." Ça vous rappelle un certain discours de Sarkozy ? Mais c'est du Charest. Alors que des journalistes de Radio-Canada viennent de révéler qu'une enquête policière sur un contributeur du PLQ a été arrêtée après que celui-ci a rencontré le premier ministre, Jean Charest s'en est pris vigoureusement à la profession. Car c'est bien connu, en France comme au Québec, les journalistes sont tous d'affreux gauchistes.

"Après moi, le déluge"
Nicolas Sarkozy nous avait expliqué qu'il était le seul capitaine en mesure de piloter la France dans la tempête. Il avait d'ailleurs posé devant une mer d'huile pour ses affiches. Jean Charest, lui, nous a prévenu : un gouvernement du Parti Québécois plongerait le Québec dans le chaos. Rien de moins.
Les marchés financiers feraient grimper les taux d'intérêt, les prix des importations grimperaient en flèche, les entreprises et les capitaux fuiraient du jour au lendemain la belle province. Oui oui, vous lisez bien : la même description apocalyptique que celle d'une France dirigée par les socialistes. Il suffit juste de remplacer les chars soviétiques par des hordes d'étudiants anarchistes.

Un résultat identique ?
Mêmes causes, mêmes effets ? On verra les résultats des élections du 4 septembre. Mais il est quand même fort probable qu'avec les mêmes ingrédients on fasse la même soupe. Il est donc fort probable que les deux grands amis Jean et Nicolas, enfants adoptifs de la famille Desmarais, auront encore un point commun : le congédiement. 




lundi 6 août 2012

L'équipe du jour

C'est celle que rassemblent autour d'eux les chefs de partis.

En effet, une équipe gouvernementale se compose de députés élus chacun dans leur circonscription. Et comme j'en ai déjà parlé, des candidatures vedettes peuvent donner une dynamique et un élan à une campagne. De plus, des candidats reconnus pour leur compétence dans un domaine transfèrent, en quelque sorte, cette compétence et cette crédibilité au parti qui les présente.

Le cas du Parti Libéral du Québec est vite réglé à cet égard : rien de neuf. Une bonne part des principaux ministres du gouvernement sortant ont tout simplement jeté l'éponge. Ceux qui restent souffrent de ce que j'appelle le syndrome "Nadine Morano" : ils sont ministres donc ils se pensent crédibles. Mais non, un ministre incompétent ne l'est pas moins parce qu'il l'est depuis longtemps.

Du coté de la CAQ, il y a eu coup sur coup deux grosses annonces. D'abord Gaétan Barrette, président de la Fédération des médecins spécialistes, qui est présenté par le chef François Legault comme son ministre de la santé en cas de victoire. Mais cette première annonce a été éclipsée par celle de l'arrivée de Jacques Duchesneau, chantre de la lutte contre la corruption. Autant l'annonce de cette candidature a monopolisé l'attention des médias hier, autant aujourd'hui les commentaires sont terribles pour Legault. En effet, les premières déclarations du nouveau candidat ont mis le chef dans l'embarras, aujourd'hui obligé de recadrer son monde, et sont raillées par les internets. C'est le problème quand on lance un très gros et beau boomerang, on risque de le prendre dans la figure à son retour. Cela révèle surtout les faiblesses du leadership de François Legault.

Du coté du Parti Québécois, les belles annonces continuent avec notamment l'arrivée de Jean-François Lisée, un des éditorialistes les plus populaires du Québec. Et Pauline Marois a réunis toute son équipe hier pour un grand rassemblement de lancement de campagne. Au contraire de l'exemple précédent, la chef du PQ a su créer une relation particulière avec chacun de ses candidats et les conditions d'un véritable travail d'équipe plutôt que l’accumulation d'individualités. Et pourtant, certains ont de fortes personnalités et une propension non négligeable à l'expression libre. Mais Pauline Marois continue de montrer qu'elle est une chef particulièrement déterminée à réunir les bonnes volontés.

En bref, l'allure de l'équipe permet surtout de cerner les qualités du chef. Jean Charest est le leader à poigne d'une équipe déjà défaite, François Legault joue un remake de Frankenstein complètement débordé qu'il est par ses "créatures" et seule Pauline Marois conjugue le leadership efficace, désormais incontesté, et une équipe aux talents multiples, diverse et populaire.

mercredi 1 août 2012

Le déclenchement du jour

C'est évidemment celui des élections aux Québec.

Comme je vous le disais hier, le Premier ministre sortant Jean Charest est en train, au moment même où j'écris ces lignes, de dissoudre l'Assemblée nationale et de convoquer des élections. Le Québec votera le 4 septembre prochain.

D'ores et déjà, je peux vous donner les slogans des principaux partis.

Le Parti libéral du Québec (PLQ) a choisi "Pour le Québec". Il faut leur accorder que c'est gentiment astucieux parce que l'acronyme est PLQ, comme le nom du parti. Mais au delà, ça me parait plus comme une incantation, une tentative désespérée de nous prouver que, si, le PLQ travaille pour le Québec, alors qu'il est engluer dans des affaires de collusion, de conflit d'intérêt et de corruption. Et surtout, c'est comme s'il reprenait cette injonction de Georges W. Bush : vous êtes avec nous ou vous êtes contre le Québec. C'est une stratégie assez contestable.

La Coalition Avenir Québec va tenter de rallier les électeurs avec "C'est assez, faut que ça change !". Tout est démagogique dans ce slogan. La syntaxe (il faut, en français correct), la ponctuation (!!!), et bien sûr le fond du message.

Québec Solidaire fait simple et efficace avec "DEBOUT" (tout en majuscule, semble-t-il). Position assez logique pour ce parti.

Enfin, pour le Parti québécois c'est "A nous de choisir". Certes, certains commencent déjà a demander, faussement naïfs, qui est ce "nous". Mais le PQ est très clair sur ce point : ce sont tous les québécois, quel que soit leur profil, leur origine. Et avec ce slogan, c'est un simple retour aux sources pour le parti de René Lévesque, chantre de la souveraineté au sens de la démocratie jusque au bout. Il s'agit donc d'un slogan parfaitement souverainiste. A nous de choisir si nous voulons être un pays normal plutôt qu'une province du Canada. Mais à nous de choisir aussi dans tous les domaines de la vie politique, économique ou sociale. A nous de choisir ce que nous voulons faire de nos ressources naturelles, à nous de choisir notre ambition en éducation ou en santé, à nous de choisir le Québec que nous voulons laisser aux générations futures. A nous de choisir, c'est un rappel qu'après un gouvernement libéral pour leurs amis, il est temps de remettre les citoyennes et les citoyens et leurs choix au coeur des politiques publiques.

mardi 31 juillet 2012

Les candidats du jour

Ce sont ceux qui se déclarent désormais par pelletées aux quatre coins du Québec.

Pour rappel, les députés québécois sont élus au scrutin uninominal à un tour. Dans chaque circonscription, celui qui est en tête est élu, quel que soit son score. Deuxième rappel, le Premier ministre sortant décide tout seul du déclenchement des élections.

Bref, devant les rumeurs de plus en plus insistantes de déclenchement demain, mercredi 1er août, les candidatures pleuvent de toutes parts. L'ambition de chaque parti est de convaincre que ses candidats sont les plus compétents, les plus populaires, en un mot les meilleurs pour former un gouvernement.

Certes, je ne suis pas objectif, mais il semble que le Parti Québécois soit vraiment loin devant à ce jeu-là. Des candidats de tous âges, de tous horizons, des leaders d'opinion. Depuis la déclaration de la candidature de Pierre Duchesne, journaliste populaire à Radio Canada, le Parti Québécois profite d'un élan indéniable qui s'est encore renforcé avec l'arrivée de Léo Bureau-Bloin, un des leaders du mouvement étudiant du printemps érable, et qui ne va certainement pas s’essouffler à la veille de l'annonce du déclenchement des élections.

Rendez-vous demain pour l'annonce officielle.

mercredi 23 mai 2012

La crédibilité du jour

C'est celle qui change de camp.

Ce 22 mai 2012 est un jour historique au Québec. Evidemment, c'est un peu compliqué de savoir si oui ou non ce jour précis sera retenu dans les livres, mais il marque le 100e jour de mobilisation des étudiants contre la hausse des frais de scolarité dans l'enseignement post-secondaire, ce qui en fait, et de loin, le conflit étudiant le plus long de l'histoire du Québec. Il marque surtout le jour où le gouvernement libéral de Jean Charest perd toute crédibilité.

En s'obstinant à ne pas offrir des discussions franches et sans tabous avec les associations étudiantes, en les renvoyant aux débordements violents qui ne sont le fait que de groupuscules, en utilisant inlassablement les forces policières, débordées, fébriles et donc brutales, il avait déjà perdu l'appui d'une certaine partie conscientisée de la population. Mais les chroniqueurs de droite se relayaient pour expliquer que le Premier ministre avait bien raison de ne pas céder aux revendications folles de ces "enfants gâtés" qui refusent de faire leur "juste part" et qui veulent continuer à mener "la belle vie" sur le dos des "honnêtes contribuables qui, eux, travaillent" [je pense que toutes ces expressions ont du se retrouver au moins une fois dans les éditoriaux de Richard Martineau].

Mais les bavures au sein même des établissements scolaires, les blessés sous les coups de la police, et les rafles massives de manifestants ne calmant pas les ardeurs de ceux qui ont déjà fait le deuil de leur session, Jean Charest a décidé d'arrêter de prendre des gants. La démission de la ministre de l'éducation Lyne Beauchamp, certainement jugée trop faible, a permis de redonner ce portefeuille à Michelle Courchesne qui avait déjà sévit à ce poste lors de la crise précédente.

Sévir, c'est bien de cela qu'il s'agit puisque le gouvernement a déposé dans la foulée une loi spéciale, dont le numéro 78 restera tristement célèbre. Une loi spéciale adoptée le 18 mai à l'issue d'une procédure d'urgence qui vise, entre autres subtilités, à réduire drastiquement la liberté d'expression et de manifestation pour les mois à venir. Les observateurs, même les plus libéraux, ont commencé à tordre du nez, s'inquiétant d'une possible radicalisation du mouvement en réaction à cette provocation du pouvoir et aussi parce qu'ils ont bien senti que les valeurs libérales, pourtant si consensuelles au Québec, en avaient pris un coup. Les associations, en particulier la CLASSE, ont pour leur part effectivement appelé à désobéir à cette loi.

Tout le monde attendait donc ce 22 mai, jour de manifestation prévu de longue date. Manifestation qui a tenu toutes ces promesses. D'abord par l'affluence, établissant un nouveau record. Mais aussi parce que les organisateurs du cortège n'ont effectivement pas respecté le tracé communiqué. En vertu de la nouvelle loi, la manifestation devenait aussitôt illégale mais, devant l'ampleur et le pacifisme du mouvement, la police s'est contenté d'escorter tout ce monde jusqu'au point d'arrivée. C'était ça ou arrêter des dizaine de milliers de personnes. Démonstration est faite, cette loi est scandaleuse et ne sert à rien.

En réalité, elle a été utile pour faire de ce mouvement étudiant un véritable mouvement social qui est désormais couvert par la presse internationale. On a même manifesté, de Paris à New York, pour soutenir ce qu'on appelle maintenant le "printemps érable". Le gouvernement libéral est toujours plus isolé et décrédibilisé alors que les étudiants ont démontré leur capacité à faire durer un mouvement qui n'est définitivement pas qu'un caprice d'enfants-rois.

Le déluge qui s'abat depuis ce matin sur la veille capitale doit bien illustrer le moral du Premier ministre, en exercice depuis près de dix ans, et dont tout le monde s'accorde à dire que le départ serait le solution la plus efficace pour mettre un terme au conflit.

vue aérienne du départ de la manifestation

mardi 22 mai 2012

La jeunesse du jour

Ce n'est pas si simple de définir la jeunesse, pour moi, parce que je n'arrive pas à la concevoir comme un ensemble uniforme. Mais il y a visiblement un point commun à tous les jeunes, comme une définition en creux : ils posent un vrai problème à leurs aînés.

Des jeunes qui veulent renverser la société, l'ordre établi ou quoi que se soit, il y en a toujours eu. Et fort heureusement pour le progrès de l'humanité. Mais pour la première fois dans l'histoire, ils font face à une masse vraiment imposante de personnes âgées. Autrefois, les vieux étaient morts. Maintenant ils vivent longtemps. A priori, c'est une chance pour partager et s'enrichir mutuellement. Mais ce n'est pas possible sans, au préalable, une écoute réciproque et une juste répartition des pouvoirs et des richesses. C'est là que le bât blesse car ils ont le pouvoir, ils ont l'argent, ils ont vécu leur jeunesse durant les 30 glorieuses et en ont un souvenir qui les rend sourds à la vie réelle des jeunes d'aujourd'hui.

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, avec la reconstruction, avec la décolonisation, tous les pays ou presque se sont dotés de nouvelles institutions adaptées aux réalités de l'époque. Mais le sont-elles encore ?

Jusqu'en 1989, le Mur de Berlin plaçait le monde face à une alternative politique simple et claire qui structurait la pensée de chacun. Les jeunes nés en 1989 et après atteignent désormais l'âge d'être des citoyens à part entière et n'ont jamais connu rien d'autre que le capitalisme mondialisé et ses crises à répétition. Peut-on s'étonner qu'ils rejettent ce modèle ? Ne peut-on entendre que certains essaient d'en imaginer un autre ?

La libération des mœurs et l'apparition des moyens modernes de contraception ont donné à toute une génération la chance de s'aimer librement. Mais avec l'apparition du Sida, les jeunes d'aujourd'hui n'ont jamais pu envisager cet acte aussi simple, aussi naturel, aussi instinctif que l'amour sans avoir à considérer la mort, sans cette atroce suspicion vis-à-vis de celui ou celle avec qui on va pourtant être si intime. Est-il possible que cela crée une sorte de frustration plus ou moins consciente ?

L’environnement a indéniablement été endommagé par ceux qui n'auront pas à en subir les conséquences parce qu'ils vont mourir. Mais peut-on écouter l'inquiétude et le sentiment d'injustice légitimes de ceux qui vont vivre ce siècle et qui vont devoir assumer ces choix qu'ils n'ont pas fait ?

Alors vient le jour où une goutte d'eau fait déborder le vase.

Vient le jour où, poussé à bout par un régime totalitaire et corrompu, un jeune marchand ambulant s'enlève la vie et où ses camarades décident de ne pas accepter cet ultime injustice.

Vient le jour où cette génération se fait expliquer par des décideurs, des experts auto-proclamés, qu'elle n'a jamais élus et en qui elle n'a aucune confiance, qu'il est temps de régler des dettes qu'elle n'a jamais contractées et où elle décide de se tenir debout.

Vient le jour où des gouvernements endoctrinés tentent, après avoir dilapider le bien public au profit d'amis financièrement puissants, de convaincre les jeunes que c'est à leur tour de "faire leur juste part", c'est à dire de payer pour prendre soin de la génération précédente en même temps que d'assumer tous seuls leurs propres besoins et d'investir pour les générations futures.

Chaque jeune est une personne à part entière, différente de son voisin du même âge, avec sa réalité et ses aspirations propres. Mais dans les yeux de ceux qui ne les considèrent pas comme des citoyens adultes, qui ne les entendent ni ne les voient, qui les caricaturent pour faire mine de les connaître, ils ne forment qu'une seule jeunesse. Et le temps est arrivé qu'elle prenne le pouvoir. Cela se passera de toutes façons. Espérons simplement que ceux qui le détiennent seront assez responsables pour le partager de bonne grâce sinon, et les évènements actuels le montrent, non seulement ils perdront parce qu'on ne gagne pas contre le sens de l'histoire, mais ils seront responsables devant l'histoire.

l'une des affiches créées par l'Ecole de la Montagne Rouge pendant le mouvement étudiant qui agite le Québec

jeudi 17 mai 2012

L'équilibre du jour

C'est celui du nouveau gouvernement français.

Pourtant j'ai cherché la petite bête. Mais non, la France a un gouvernement équilibré qui n'a plus qu'à tenir ses promesses, ce qui n'est quand même pas la moindre des tâches.

Dans mon dernier billet sur le choix du Premier ministre, j'avais clairement pris parti pour Martine Aubry, pour des raisons qui n'auront pas surpris ceux qui me connaissent et ont l'habitude de me lire. Mais François Hollande a fait le choix de Jean-Marc Ayrault plutôt que Martine Aubry, le choix de la confiance absolue plutôt que celui du partage du leadership. Tant pis pour la 6e. Dans ces conditions, le choix de n'attribuer aucun portefeuille à Martine Aubry, pour l'instant, est à la fois stratégique et responsable. Stratégique car que n'aurait-on entendu sur l'incapacité du Président à trancher si, une fois fait le choix de son Premier ministre, il avait donner un "super-ministère" à la principale concurrente de ce dernier ? On l'aurait accusé, à juste titre, de retomber dans son travers du compromis à tous prix, quitte à risquer la paralysie. Responsable aussi car Martine Aubry a démontré sa capacité à mettre la Parti Socialiste en ordre pour gagner des élections, et c'est essentiel que cette dynamique ne s'éteigne pas avant les législatives.

D'autant plus responsable que ce choix est vraisemblablement concerté de part et d'autre. Comment croire qu'il y ait un conflit ouvert entre François Hollande et Jean-Marc Ayrault d'une part, et Martine Aubry d'autre part, alors que la garde très rapprochée de cette dernière est intégrée au gouvernement ? Il semble inconcevable que Marylise Lebranchu ou François Lamy ait accepté un maroquin sans avoir eu une discussion préalable avec la Première secrétaire.

Ce qui me ramène à mon premier point : l'équilibre. Tout est respecté dans ce gouvernement. La parité d'abord, pour la première fois dans l'histoire et c'est, plus qu'un symbole, la volonté de montrer que les promesses seront tenues. Ça change. Mais c'est aussi un équilibre subtil entre les proches de toujours du Président, ceux ralliés suite à la disparition de Dominique Strauss-Khan et ceux qui, après la primaire, ont loyalement fait la campagne. Plus les écologistes, en respect des accords. Respecté aussi l'équilibre entre les générations, les sensibilités, ou encore l'origine géographique. Je n'ai pas encore trouvé de point sur lequel il y aurait un déséquilibre flagrant, mais j'attend les commentaires de mes lecteurs qui ne manqueront pas de m'ouvrir les yeux.

Le bon équilibre, enfin, celui qui donne sa stature au Président de la République, c'est d'arriver à trancher tout en rassemblant. Et pour le moment, c'est assez probant. Certes la nomination de Jean-Marc Ayrault a fait grincer quelques dents mais toute velléité s'est tue à l'annonce du gouvernement. Et pour autant, les promesses sont effectivement tenues les unes après les autres, selon un ordre et un plan qui semble mûri de longue date et dont le Président n'a visiblement pas l'intention de dévier. La fin de l'improvisation au sommet de l'Etat ? C'est ce qu'il semble et, dans ce cas, effectivement, le changement c'est maintenant.


jeudi 10 mai 2012

Le Premier ministre du jour

Ce devrait être Martine Aubry.

Il ne faut pas lire dans ce "devrait" une prémonition que j'aurais lue dans les entrailles de je ne sais quel animal politique ou dans le vol de je ne sais quel oiseau de bon augure, mais une affirmation de mon avis tout personnel sur ce qu'il conviendrait le mieux de faire.

A l'heure où je rédige ceci, il semble qu'aux yeux des analystes de la vie politique, les finalistes soient Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes et président du groupe socialiste de l'Assemblée Nationale, et donc Martine Aubry, maire de Lille et chef du Parti Socialiste. Premier point que je souhaite éclaircir : le Président de la République est seul à prendre cette décision et peut nommer qui bon lui semble. Une surprise n'est donc pas à écarter.

Mais il semble qu'on puisse prendre au sérieux ces pronostics. Alors comparons. François Hollande a clairement dit durant la campagne, en regardant Nicolas Sarkozy dans les yeux : "Moi Président de la République, je ne serai pas le chef de la majorité. Moi Président de la République, je ne traiterai pas mon Premier ministre de collaborateur." C'est clair. Il veut quelqu'un qui soit clairement capable de rassembler la majorité parlementaire et de la faire travailler, mais aussi quelqu'un qui gouverne pleinement et qui ne soit pas à plat ventre devant lui, le Président de la République.

Sur le premier point, chacun des candidats putatifs a des atouts à faire valoir. Jean-Marc Ayrault est d'ores et déjà le chef des députés socialistes. Il connait l'ingénierie parlementaire, il sait rassembler ses collègues et dégager des consensus. Ces qualités sont primordiales, surtout si la majorité est plurielle. Mais Martine Aubry n'est pas en reste, elle qui a su remettre un Parti Socialiste exsangue en ordre de marche en donnant sa place à chacun, qui a permis l'exploit d'organiser des primaires ouvertes dont personne n'a remis en cause la réussite ni la légitimité et dont le Parti est sorti encore plus fort et rassemblé derrière son candidat. Elle qui traite, aussi, avec les autres partis de gauche depuis plusieurs années déjà et qui a déjà conclu un accord parlementaire avec les écologistes. C'est elle, enfin, comme chef du Parti qui va logiquement mener la bataille des législatives.

Sur ce premier critère, selon moi, Martine Aubry l'emporte aux points puisqu'au simple rassemblement elle apporte l'assurance de la mise en dynamique.

Sur le gouvernement, quelle est l'expérience de Jean-Marc Ayrault ? Tout comme François Hollande, il n'a jamais été ministre. Le Président élu nous a prouvé que ce n'était pas rédhibitoire, mais on peut quand même se demander si faire un doublet serait vraiment judicieux. D'autant que François Hollande s'est toujours justifié sur ce point en expliquant qu'en tant que chef du Parti il était toujours associé aux décisions du gouvernement de Lionel Jospin. Or c'est Martine Aubry qui lui a succédé dans cette fonction. Martine Aubry qui a été ministre a plusieurs reprises et numéro deux du gouvernement Jospin, qui a eu à porter les dossiers emblématiques de ce gouvernement (réduction du temps de travail, emplois jeunes, couverture maladie universelle, etc...) et qui l'a fait avec force et brio.

Mais en admettant même qu'on fasse l'excuse de l'expérience à Jean-Marc Ayrault, qu'en est-il de son potentiel caractère comme chef du gouvernement ? Il faut rappeler qu'il a toujours été dans le même courant que François Hollande au sein du Parti Socialiste, il ne l'a donc jamais affronté mais toujours suivi. Tout ce qui a pu être reproché au nouveau Président lorsqu'il dirigeait le Parti quant à son manque de fermeté idéologique, quant à son incapacité à trancher s'applique exactement au président du groupe socialiste. Mais si François Hollande a pu prouver tout au long de la campagne que ces critiques ne valaient plus, la première décision du maire de Nantes pour se libérer la voie vers Matignon a été de "prendre du recul", comme il l'a dit, sur le dossier de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui l'oppose depuis plusieurs années aux écologistes et agriculteurs de sa région. Prendre du recul, c'est à dire reculer.

 Martine Aubry a, sur le fond, toujours été proche de François Hollande. Mais elle a su s'en démarquer lors du dernier congrès, qu'elle a remporté, alors qu'il laissait le Parti dans un état catastrophique. Elle a remis les militants au travail et s'est entourée d'intellectuels, de Fabienne Brugère, jeune philosophe, à Axel Khan, généticien reconnu et spécialiste des questions bioéthiques. Elle a tiré de toutes ces réflexions collectives un véritable projet de société, une vision, autour du concept de care. Vision qu'elle a pu développer lors de sa campagne des primaires et qui l'a tout de même amener au second tour face à François Hollande. Au lendemain de ce duel, sans état d'âme, elle a lancé toutes les forces du Parti qu'elle a reconstruit dans la campagne en faveur de son concurrent d'hier. Malgré les rumeurs d'incompatibilité personnelle entre eux, elle a fait preuve d'une loyauté et d'un enthousiasme sans faille.

Si François Hollande veut tenir sa promesse, donner à la France un Premier ministre qui soit le véritable chef de la majorité et le véritable chef du gouvernement, je pense qu'il y a peu de doutes sur laquelle, de Jean-Marc Ayrault ou Martine Aubry, peut le mieux s’acquitter de ces responsabilités.

En ce 10 mai, on peut aussi se souvenir que François Mitterrand, en 1981, avait fait confiance à Pierre Mauroy, son adversaire dans les congrès et... maire de Lille.

mercredi 9 mai 2012

Le troll du jour

C'est Maryse Joissains-Masini, sorte de Nadine Morano botoxée façon bouillabaisse.

Pour les non-initiés, un troll est une personne qui occupe délibérément un espace de débat, en particulier sur internet, avec des arguments outranciers pour décourager tout contre argumentaire raisonnable et les participants de bonne foi. La campagne présidentielle a été l'occasion de révéler un bon nombre de talents dans ce domaine, de tous les bords de l'échiquier politique. L'utilisation accrue de twitter a fait que des militants de bonne foi mais fanatisés ou avec peu de recul sur un discours formaté sont tombés, malgré eux, dans le trollage.

Le cas de Maryse Joissains est un peu particulier. La maire d'Aix-en-Provence a fait une première déclaration dès l'annonce des résultats pour considérer que l'élection de François Hollande n'était pas légitime. Le mot est fort et en contradiction totale avec la ligne de l'UMP, son parti. Mais on pouvait mettre ce dérapage sur le compte de l'émotion et de la déception. Seulement voilà, il y a eu récidive et, plus encore, Maryse Joissains a déposé un recours devant le Conseil Constitutionnel.

Ce n'est donc pas seulement une déclaration malheureuse, c'est un acte politique avec un objectif et reposant sur une stratégie. Reste à savoir lesquels. Alors je me lance dans une proposition et la comparaison avec Nadine Morano, ministre plus chargée des annonces tonitruantes visant à détourner l'attention que de la formation professionnelle, au-delà de la classe naturelle qu'elles ont en commun, prend tout son sens. Maryse Joissains n'est pas seulement maire, elle est aussi députée des Bouches-du-Rhône, candidate à sa succession en juin prochain. Dans le contexte d'élections législatives dont l'enjeu principal est de donner ou non une majorité au Président élu pour gouverner, les candidats dans les 577 circonscriptions ont logiquement un peu de mal à tous accéder à la notoriété dont ils rêvent. Or la stratégie trollatoire de Maryse Joissains lui confère d'un seul coup une présence médiatique largement supérieure à n'importe lequel de ses concurrents dans sa circonscription et sans que cela ne lui coûte le moindre centime. Quand on sait que c'est justement sur la question des frais de campagne que porte son recours, dont elle est parfaitement consciente qu'il n'aura aucune suite, contre l'élection du nouveau Président, on peut mesurer toute l'ironie de cette situation et le cynisme dont peuvent faire preuve celles et ceux qui sont prêts à tout, et surtout n'importe quoi pour exister.


mardi 8 mai 2012

Le caméléon du jour

C'est Nicolas Sarkozy.

Celui qui est encore Président de la République en exercice pour quelques jours sera rentré dans tous les costumes durant cette campagne. Il a d'abord voulu reprendre la posture de François Mitterrand, Président serein qui laisse le temps au temps, le premier à affronter victorieusement une réélection. Mais pressé par l'UMP paniqué à la vue des sondages et conseillé par des anciens (parfois pas si anciens) de l'extrême droite qui ont la haine de tout ce qui est de gauche chevillée au corps, il finit pas céder et anticipe sa candidature. Dans la précipitation, il semble même oublier que Mitterrand, tout comme Chirac, a été réélu alors qu'il sortait d'une période de cohabitation et que donc la politique gouvernementale ne pouvait lui être imputée. Comment le Président de tous les pouvoirs pouvait-ils jouer ce rôle ? De plus, Mitterrand avait un vrai bilan symbolique dont il pouvait être fier, avec l'abolition de la peine de mort, la dépénalisation de l'homosexualité, les radios libres, etc. Toutes ces choses qui font qu'un Président peut rassembler les républicains au delà de son camp. Ça ne pouvait pas marcher.

Face à ce premier échec stratégique, il a pris le costume de Giscard, le Président qui a l'expérience des crises et qui est le plus compétent pour continuer à conduire le pays dans la conjoncture actuelle. Mais il fait face aux mêmes écueils que ceux qui ont fait perdre son prédécesseur : le bilan catastrophique, les affaires, la stature internationale pas si reluisante... Les mêmes causes produisant les mêmes effets, auxquels on peut ajouter la teinte brune qui a coloré tout son mandat et qui s'est particulièrement accentuée entre les deux tours, l'échec stratégique est devenu un échec tout court. François Hollande est le nouveau Président de la République.

Mais Nicolas Sarkozy tente une nouvelle expérience. Maintenant qu'il part, peut-être songe-t-il enfin à la trace qu'il va laisser. Alors il tente la stratégie Chirac. Le Président bonhomme qui fait un discours d'adieu tout personnel et bien simple, qui invite benoîtement son successeur à le seconder dans les cérémonies officielles, en républicain exemplaire. Dira-t-on bientôt de Sarkozy ce qui se dit de Chirac ? Ce Président, petit vieux un peu gaga qui est finalement bien sympathique et à qui on excuse bien des choses ? Nouvelle erreur s'il l'on m'en croit.

Car d'abord Sarkozy ne part pas parce qu'il est vieux, mais parce qu'il a perdu. Là encore il se destine plutôt à une longue carrière à la Giscard, errant dans les limbes tel celui qui a été mais dont on ne peut pas encore dire qu'il n'est plus. Puis si on regrette Chirac, c'est parce que Sarkozy lui-même. Difficile de croire qu'on va regretter Sarkozy parce que Hollande. Enfin et surtout parce que Chirac s'est engagé très tôt dans la voie de la vacuité politique, laissant gouverner le gouvernement, ce qu'on ne saurait lui reprocher d'ailleurs. Il n'a finalement été lui-même en première ligne que pour la gloriole comme lors du veto français à la guerre en Irak. Sarkozy a d'emblée fait le choix d'être responsable de tout. Il faudra donc qu'il assume et la semaine qui le sépare de l'investiture de son successeur ne suffira pas à faire oublier toutes les bonnes raisons pour lesquelles les français n'en veulent plus. Et espérons que la justice ne va pas non plus lui accorder ce traitement de faveur.

Finalement, Nicolas Sarkozy n'est que lui-même. Il avait pensé sa vie pour devenir Président et, une fois fait, tout n'a été qu'improvisation. Maintenant c'est sa famille politique qui va en faire les frais. Son attitude soudain républicaine coupe court à la stratégie de "3e tour" des législatives développée par l'UMP en donnant toute légitimité à François Hollande. Et tout son mandat ayant renforcé la frange tentée par le rapprochement avec l'extrême droite face aux républicains de souche gaulliste, le parti sort de cette campagne profondément divisé.


jeudi 26 avril 2012

Lettre d'un militant du 21 avril au futur Président de la République

François,

Je m'adresse à toi comme au futur Président de la République non seulement parce que les pronostics, non seulement parce que l'espoir mais surtout parce que ta victoire, notre victoire le 6 mai prochain est une absolue nécessité.

C'est nécessaire pour le France, mon pays que j'aime mais dont j'ai eu si souvent honte ces dernières années, déjà bien trop à l'échelle de ma vie qui n'est pourtant pas encore si longue. C'est nécessaire pour l'Europe, ce projet auquel ma génération croit comme on croit à une évidence, mais dont nous aimerions maîtriser la construction, et non la laisser à des experts autoproclamés qui ont jusqu'ici surtout fait la preuve de leur dogmatisme et de leur incompétence.

C'est surtout nécessaire pour moi, et avec moi toute une génération qui s'est indignée en 2002. Indignée contre la France qui n'est pas allée voter et qui a permis l'accès du Front National au deuxième tour de l'élection présidentielle, mais indignée surtout par le gouvernement et le Parti Socialiste qui n'ont pas été capables d'être crédibles et de mobiliser. Beaucoup sont venus en même temps que moi dans ce parti pour le changer. Beaucoup l'ont quitté, désillusionnés par la lenteur du changement pourtant promis sans cesse et par la compromission de ceux qui, la veille, portaient la rénovation à corps et à cris. En bref, désillusionnés par une façon de faire de la politique propre au siècle dernier dont, je suis désolé de te le dire, tu as été le responsable durant de longues années. Mais d'autres se sont accrochés, comme moi, et ont continué de croire que le socialisme ne peut vivre que par le Parti Socialiste et que notre parti a un avenir. L'organisation et la réussite des primaires et de l'immense campagne de mobilisation sur le terrain nous ont, je crois, en partie donné raison. Et maintenant la victoire semble à portée de main.

Mais l'est-elle vraiment ? Je ne veux pas oublier pourquoi je me suis engagé. La lutte contre l'extrême droite. Je ne veux pas et je ne risque pas de l'oublier tant cela m'a été rappelé abruptement, douloureusement par la perte insensée de nos camarades norvégiens. Car l'extrême droite, partout, sait comme nous le savons que le socialisme est la meilleure arme contre elle. Dix ans après 2002, le Front National n'est certes pas au second tour de l'élection présidentielle, mais il a doublé son nombre de voix. Je crois que c'est presque pire. La faute au cynisme du candidat sortant ? La faute à la désinvolture et la défaillance du gouvernement actuel ? Admettons. Mais le résultat est bien là et il représente à mon sens l'un des défis majeurs de ton mandat à venir car c'est notre République qui est en jeu. Et c'est justement le rôle primordial du Président que de la préserver.

Alors je te le dis sans détour, et avec moi tous ceux qui n'ont pas accepté le 21 avril 2002 comme une fatalité : tu ne pourras pas, le gouvernement que tu vas nommer ne pourra pas gouverner comme vous avez gouverner de 1997 à 2002. Non, je ne rejette pas les avancées qui ont eu lieu sous ce gouvernement mais je dis simplement qu'il faudra voir chaque petit renoncement, chaque petit arrangement comme un coup de pouce à l'extrême droite. Etre crédible, ce ne sera pas expliquer pourquoi tout ne sera pas possible parce que le contexte ou quoi que ce soit. Etre crédible, ce sera tenir le cap, comme tu l'as fait durant cette campagne, parce que l'on sait où l'on va quoi qu'en disent les "experts" et les tenants de l'ordre établi.

Etre crédible, ce sera redonner confiance dans l'action politique en faisant vraiment une République irréprochable, en faisant toute la lumière sur les affaires qui donnent au gouvernement actuel un air de cartel du crime organisé, en donnant à la justice toute l'indépendance dont elle a besoin, en garantissant la liberté de la presse autant vis à vis du pouvoir politique que des forces de la finance, en rénovant nos institutions et en mettant une bonne fois pour toutes fin au cumul des mandats qui est tout simplement une aberration que l'ensemble des pays démocratiques regarde avec incrédulité.

Etre crédible, ce sera redonner un sens aux valeurs de la République. Plus nos concitoyens seront intimement convaincus que les notions de Liberté, d'Egalité et de Fraternité ont une application concrète dans leur vie, plus ils voudront les défendre. Il faudra donc lutter sans cesse contre toutes les discriminations et garantir l'égalité des droits. Il faudra mettre un terme rapide au traitements indignes dont sont victimes des êtres humains, quel que soit leur statut, sur le territoire de la République. Il ne faudra jamais transiger avec la laïcité car la liberté absolue de conscience est le socle de toute émancipation et la démystification est la base du vivre-ensemble.

Etre crédible, ce sera innover. Innover sur tous les fronts parce qu'il n'y a aucune raison que les recettes qui ont échoué au 20ème siècle fonctionnent au 21ème. Sur l'emploi, sur l’environnement, sur la politique industrielle, sur la gestion budgétaire et j'en passe parce qu'au fond tout cela se tient, il faudra innover et faire confiance aux solutions que peut proposer la nouvelle génération.

Etre crédible, ce sera donner un avenir à la jeunesse. Et ça ne veut pas dire lui en donner un "clef en main" pensé pour elle à sa place. Ceux et celles qui n'ont jamais connu le Mur de Berlin et l'alternative politique qu'il représentait, celles et ceux qui n'ont jamais connu l'amour sans l'obligation de se protéger de celui ou celle avec qui on le pratique (suspicion la plus intime et la plus angoissante parce que la plus absurde), ceux et celles qui n'auront jamais la facilité de polluer pour faire de la croissance, celles et ceux qui sont connectés en permanence avec leurs semblables au coin de la rue comme à l'autre bout du monde n’appréhendent pas le monde comme leurs parents et doivent pouvoir apporter leur originalité dans la construction du monde dans lequel ils vivront et dans lequel, je suis désolé de le dire ainsi, ceux de ta génération ne vivront plus.

Je t'accorde qu'il n'y a peut être rien de bien original dans cet espèce de catalogue de préconisations que je viens de faire. Mais tant pis. Je reste convaincu que la véritable victoire ne se jouera pas le 6 mai prochain (j'ai déjà dit que celle-ci était absolument nécessaire) mais en 2017 lorsque viendra le temps de savoir si oui ou non nous aurons été capables de battre l'extrême droite, quelle que soit sa forme à ce moment là. Car l'actualité nous prouve que la droite, du moins une partie, ne sera pas notre alliée dans ce combat pour la République et contribuera un peu plus au brouillage des pistes, ajoutant un obstacle à un parcours déjà compliqué.

Compte sur moi, compte sur nous, François, pour faire campagne sans relâche jusqu'au bout, jusqu'au 6 mai, jusqu'à l'élection d'une majorité forte au Parlement pour travailler à tes cotés. Mais compte aussi sur moi pour rester vigilant au-delà de ces échéances. Parce que je me souviens pourquoi je me suis engagé.

dimanche 4 mars 2012

Les 75% du jour

En France, François Hollande a annoncé son intention de créer une tranche marginale d'imposition à 75% pour les revenus supérieurs au million d'euros, s'il est élu. Au Québec, le gouvernement de Jean Charest a annoncé son intention d'augmenter les frais d'inscription dans l'enseignement supérieur de 75% sur les cinq prochaines années. Ces deux annonces bien différentes autour d'un taux qui est pourtant le même (75%) me donnent l'occasion de montrer assez simplement quelle est la différence entre deux visions du monde, une libérale et une socialiste.

La proposition libérale, c'est évidemment celle d'augmenter les frais de scolarité. Ceux qui souhaitent faire des études doivent payer pour ça, tels des voyageurs qui souhaitent prendre l'avion ou le train, tels des clients qui souhaitent manger une pizza dans un restaurant. Dans chacun de ces cas, on peut envisager une aide de l'Etat selon que celui-ci souhaite ou non encourager la consommation de ce service. Pour la pizza, on peut baisser la taxe de vente sur la restauration. Pour les transports, on peut envisager des tarifs sociaux. Pour l'éducation, on peut mettre en place des bourses ou des prêts étudiants. Ces dispositifs entrainent une part de dépense publique, financée par l'impôt, que l'on va chercher à réduire en faisant appel à des financements privés. Mais au fond, il s'agit toujours de payer pour un service que l'on consomme.

Face à cette logique, il en existe une autre qui considère que l'éducation, au même titre que la santé, la sécurité, etc., est un droit fondamental auquel chacun doit avoir accès quels que soient ses ressources ou les conditions sociales dans lesquelles il vit. Que peu importe d'où l'on vient et qui l'on est, la société a le devoir de pousser chacun vers l'excellence, c'est à dire le maximum de ses talents dans le domaine auquel il aspire. Que ce droit offert à tous bénéficie de toutes façons à la société dans son ensemble. Dans ce cas, il faut établir un système solidaire et juste de redistribution des richesses produitent par tous. Car non, le patron d'une multinationale qui gagne plus d'un million d'euros par an n'est pas plus ou moins responsable, n'a pas plus ou moins de mérite quant à la production de richesse que la masse de ceux qui créent et travaillent sous ses ordres au salaire minimum et à qui il faudrait deux vies entières pour accumuler un montant égal. La création de richesse est le résultat d'un travail collectif, la richesse créée doit donc être justement répartie.

Le taux est le même : 75%. Mais deux modèles radicalement différents sont posés sur la table. L'un comme l'autre a ses qualités et ses défaults. L'un comme l'autre peut conduire à des dérives s'il n'est pas gouverné par la démocratie. L'un n'est pas forcément absolument exclusif de l'autre. C'est en tous cas à chacun de choisir la société dans laquelle il veut vivre. Et ce choix, on le voit, dépasse les frontières et les océans.

jeudi 16 février 2012

Le référendum du jour

C'est assez troublant comme deux actualités, de chaque bord de l'océan, peuvent parfois se télescoper sur un mot. Hier c'était le mot référendum dont il a été question en France comme au Québec.

Le référendum a ses inconvénients et ses avantages, ses détracteurs et ses adeptes. On peut l'accuser de dévoyer la démocratie représentative mais on peut aussi en faire l'outil d'expression d'un peuple à un moment crucial. Je pense surtout que le référendum est essentiellement un outil et que, comme pour tout outil, c'est la façon dont on l'utilise et l'objectif pour atteindre lequel on y a recours qui déterminent se légitimité ou non. Alors comparons.

A ma droite, la France. Nicolas Sarkozy évoque depuis quelques jours cette idée d'organiser des référendum sur des sujets tels que le chômage ou l'immigration. Il a confirmé cette intention hier lors de sa déclaration de candidature. Comment ? Bien que la Constitution prévoit quelques gardes-fous, il peut décider à peu près seul de la question qui sera soumise aux français et de la date du scrutin. Selon une vision bonapartiste/gaulliste, c'est entre lui et le peuple que ça se passe. Pourquoi ? En l’occurrence, ce n'est qu'une promesse puisqu'il lui faut d'abord rester Président. Le but est donc clairement électoraliste. Une tentative quand même un peu pathétique de convaincre (de se convaincre ?) qu'il existe encore quelque chose entre les français et lui. De plus, il le fait avec ces sujets dont il a le secret et qui ne peuvent que conduire à la caricature sinon la stigmatisation. En détournant ainsi l'outil de démocratie directe que peut être le référendum, auquel les français sont effectivement attachés, et en poussant à toujours plus de division, il ne fait qu'aggraver le ressentiment à son encontre, selon moi.

A ma gauche, le Québec. Ici, c'est Pauline Marois qui annonçait hier les cinq mesures que mettrait en œuvre le Parti Québécois pour améliorer les institutions démocratiques.


Parmi ces cinq mesures, on trouve le référendum d'initiative populaire, autour duquel on a glosé pas mal dans les médias ces dernières semaines. Dès le nom, on note que l'optique est renversée, il ne s'agit plus d'un homme seul qui s'adresse de manière plus ou moins paternaliste à "son" peuple, mais d'un peuple qui s'organise pour interpeller ses responsables politiques. Comment ? On l'entend clairement dans le message de Pauline Marois, selon des règles précises qui évitent les débordements et respectent le rôle du parlement mais surtout, et c'est ce que je trouve très pertinent, qui incite les citoyens à une action collective et au rassemblement. Mobiliser 15% de la population, ce n'est pas rien. Mais si on y arrive, quel élan, quelle force d'entrainement pour la campagne référendaire qui suit ! Pourquoi ? Là encore ce n'est qu'une promesse pour le cas où le PQ formerait le prochain gouvernement. Mais ce n'est pas la promesse d'aborder tel ou tel sujet pour flatter un électorat, c'est la promesse de plus de débat démocratique, de plus d'investissement de chacun et de tous dans la vie collective.

J'aime décidément beaucoup cet exercice de comparaison, de mise en perspective, de regarder ici avec les yeux de là-bas et là-bas depuis ici parce que j'en déduis presque toujours qu'au fond rien n'est bon ou mauvais en soi. Mais il y a des valeurs et des principes qui sont autant de toises pour mesurer ce qui est juste ou non.

mardi 14 février 2012

L'entrevue du jour : Peggy Nash

Peggy Nash, députée du Nouveau Parti Démocratique au parlement du Canada, est candidate à la succession de feu Jack Layton comme chef du NPD. J'ai pu la rencontrer en marge du débat public entre les candidats à ce poste organisé hier à Québec. Vous pourrez certainement trouver de bons compte-rendus de ce débat dans les médias canadiens. Mes questions portent plutôt sur les sujets que j'ai l’habitude de traiter sur ce blogue.




Quelles sont vos trois priorités dans cette campagne ?
Ma toute première priorité est de bâtir le mouvement. Ici au Québec, nous avons connu lors des dernières élections ce qui a été appelé la "vague orange" qui nous a donné un grand nombre de députés. Mais il faut reconnaître que sur le terrain nous n'avons pas encore la structuration nécessaire. Le développement du NPD au Québec est un grand défi mais dans le reste du Canada, nous devons aussi travailler fort pour être capables gagner de nouveaux sièges aux prochaines élections et former le premier gouvernement NPD.
Sur le fond, j'ai mis les questions économiques au cœur de ma campagne. Je veux combattre l'idée reçue de l'incompétence du NPD sur ce sujet avec trois objectifs : la création d'emplois de qualité, l'investissement public dans les infrastructures et les transports en commun et la croissance écologique.
Enfin, je veux montrer qu'au delà de Jack, il y a au NPD toute une équipe de grande qualité. Je peux résumer en un mot : la crédibilité. La crédibilité de nos idées sociales-démocrates et la crédibilité de notre équipe.

Le débat d'aujourd'hui portait sur la place du Canada dans le monde. Pour poursuivre un peu sur cette thématique, pensez-vous que le NPD puisse s'investir un peu plus dans l'Internationale Socialiste qu'il ne l'a fait ces dernières années ?
Oui. Mais il faut savoir qu'avec quatre élections générales en sept ans, nous avons surtout été sur le terrain. Et je vous l'ai dit, comme nouvelle chef, je vais devoir bâtir le parti ici au pays. Mais il est important d'être à l'écoute et d'avoir des échanges avec les autres pays socialistes et sociaux-démocrates. Il est inutile de réinventer des solutions qui existent déjà ailleurs.

Plusieurs pays font face à des difficultés importantes, surtout en Europe, du fait de leurs dettes et la situations est en train de dégénérer en Grèce. Quelle est votre approche des politiques de rigueur qui sont préconisées ?
J'admire les pays qui arrivent à offrir à leurs citoyens de très bonnes conditions de vie. Je pense à la France, l'Allemagne ou encore à la Suède. Il faut se souvenir que ce sont les mauvaises pratiques révélées en 2008 qui ont provoqué cette situation. Or les responsables sont toujours impunis. Il faut plus de réglementation dans le secteur financier, en particulier une taxe sur les transactions financières. J'ai entendu que le Président français a annoncé qu'il le ferai même seul. Ce n'est pas réaliste. Il faut le faire à plusieurs, mais il faut le faire.
J'ai l'habitude de dire que l'austérité n'est pas le moyen d'aider une économie en difficulté parce que ça empire le chômage et la dette. Il faut relancer l'investissement pour relancer la croissance. Au Canada, les conservateurs vont nous imposer un budget de rigueur or notre balance commerciale est déficitaire, les entreprises privées n'investissent plus et les ménages sont très endettés. Le seul levier restant est l'investissement public.

jeudi 9 février 2012

La finale de 100 mètres du jour


C’est une image que je vais utiliser pour vous parler des élections générales au Québec.

Aujourd’hui plus que jamais, tous les partis provinciaux sont dans les starting-blocks et attendent avec impatience le signal du départ. Amis français, préparez-vous à un choc culturel : au Québec, le mandat des députés n’a pas de durée fixe. C’est le Premier ministre, chef de la majorité parlementaire, qui décide seul de la date du prochain scrutin. Entre l’annonce et l’élection, il se passe un mois. Juste un mois de campagne électorale. Voyez si la comparaison avec le sprint prend tout son sens.

Un 100 mètres quand même un peu spécial puisqu’il se court en équipe. En effet, le scrutin est uninominal à un tour. Dans chaque circonscription, le candidat arrivé en tête est élu député, quel que soit son score. Imaginez donc une ligne de départ avec dans chaque couloir un champion, le chef du parti, entouré de tous les candidats que son parti présente dans chaque circonscription. Ça en fait du monde sur la piste. Alors, pour y voir clair, et puisqu’ils n’ont qu’un mois pour trancher, les québécois se focalisent souvent sur le chef et votent pour le parti, sans réellement tenir compte de qui est le candidat local. Nous ferons de même.

Je vous laisse consulter les sites spécialisés pour ce qui est des outsiders de cette course et je ne vais ici me focaliser que sur les trois partis qui ont une chance réelle d’être sur le podium à l’arrivée.

Commençons par le nouveau venu : la Coalition Avenir Québec. Nouveau venu, parce que c’est la première fois que ce parti participe à la course. C’est d’ailleurs son argument principal : le renouveau. Mais si on regarde un peu mieux le chef, comme les autres candidats un peu connus, on constate qu’il s’agit plutôt d’une sorte d’équipe de vétérans dont les autres partis ne voulaient plus ou dont le parti d’origine n’était tout simplement pas sûr de pouvoir s’aligner seul (l’ADQ par exemple). Ce parti a tout intérêt à ce que la course soit lancée le plus tôt possible car chaque jour qui passe, c’est un peu du verni de la nouveauté qui s’effrite pour laisser voir la dure réalité.

Au rang des solides prétendants, il y a bien sûr le Parti Québécois. Solide est quand même un bien grand mot tant il est vrai qu’il est toujours en phase de convalescence après une blessure qui a laissé craindre le pire (je fais bien le commentateur sportif, hein ?). Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai déjà développé ici, mais des partis qui ont été au fond du trou et qui se relèvent encore plus fort, on en a connu, et le PQ, fort de la détermination de sa chef, Pauline Marois, et de ses toujours nombreux militants, est indéniablement dans une phase ascendante. S’il est moins pressé que la CAQ, il aimerait cependant profiter de ce regain de vigueur pour se lancer dans la course.

Enfin, le Parti Libéral au pouvoir. Son chef Jean Charest, le Premier ministre, est à la fois coureur et starter de cette course, ce qui lui donne un avantage indéniable. Il est cependant très usé par neuf ans de pouvoir et des scandales financiers à répétition. Il aurait tout intérêt à attendre que la CAQ se désagrège encore un peu et éventuellement de parier sur une de ces rechutes dont le PQ a le secret. Mais il est aussi pressé par une commission d’enquête sur le milieu de la construction, qui doit débuter dans les prochaines semaines, et qui pourrait éclabousser du monde de son entourage, sinon directement lui-même. En tous cas, son arbitrage ne se fera pas selon ce qui est le mieux pour le Québec mais bien en fonction de ce qui est le moins pire pour lui. Un avantage à double tranchant car si les québécois sont très patients, ils n’aiment pas non plus qu’on les prenne trop longtemps pour des idiots.

Comme dans un sprint, toute équipe qui veut gagner doit surtout avoir une préparation irréprochable. De ce coté, chacun a affûté ses armes. On attend plus que le signal de départ. Et que le meilleur gagne.

lundi 30 janvier 2012

La dame du béton du jour

C'est Pauline Marois, cheffe du Parti Québécois.

Le conseil national du Parti Québécois qui s'est déroulé cette fin de semaine à Montréal avait très clairement un double mot d'ordre : unité et mobilisation. Et, il faut bien le dire, le pari est gagné.

Pour ceux qui n'ont pas suivi : il y a encore quelques jours, personne n'aurait parié un sou sur Pauline Marois. Les médias l'annonçaient finie, à grands renforts de témoignages de "dissidents" ou de "déçus" du PQ. On pouvait même lire ici et là que son entêtement était simplement suicidaire pour la cause souverainiste et que le parti était condamné à disparaître lors des prochaines élections.

Même pour ceux, plus mesurés, qui n'aiment pas hurler avec les loups, il faut bien avouer qu'à moins d'avoir une foi indéfectible, voire aveugle, envers la cheffe, il y avait quand même de quoi douter un peu. Depuis la démission de Louise Beaudoin, Pierre Curzi et Lisette Lapointe du caucus péquiste, les prises de distance feutrées succédaient aux trahisons fracassantes. Mais non, faisant fi de la pression médiatique, des sondages en chute libre, des tendances à l'affolement y compris parmi ses proches, la cheffe est restée la cheffe.

Et il s'est produit au cours de la semaine dernière l'un de ces revirements qui font la joie de l'observateur de la vie politique. L'entêtée irresponsable est devenue la dame de béton. Les analystes ont commencé à s'interroger, discrètement mais sérieusement, sur ce qui faisait tenir Pauline Marois. Puis ils ont mesuré qu'au delà de quelques velléités individuelles de briller le temps d'une petite phrase, le PQ est toujours un grand parti, le plus grand et de très loin si l'on considère le nombre de militants, en ordre de marche derrière sa cheffe. Et ils ont enfin eu leur réponse lors du conseil national en écoutant son discours.

 

Pauline Marois se tient debout car, derrière, il y a une ambition. Pas simplement l'ambition de garder le pouvoir ou de le prendre (allusion à ce qu'elle appelle le "tandem Charest-Legault), mais l'ambition d'un Québec prospère qui se tient debout. Et soudain elle incarne un Québec mobilisé et fier, malgré les mauvais coups et les trahisons.

Comment ne pas rapprocher cette phase politique avec celle que vit François Hollande en France ? Accusé de mollesse, sans programme, à la tête d'une équipe disparate et démobilisée il est devenu, en quelques heures, le temps d'un discours, le seul capable de redonner à tout un peuple foi en le "rêve français".

Bon, la comparaison n'est pas parfaite car Pauline Marois a encore beaucoup à faire pour atteindre une popularité telle que celle de François Hollande. Et je ne veux surtout pas présager des résultats électoraux de l'une ou de l'autre. Mais je n'en démords pas : on ne prend pas le pouvoir uniquement parce qu'on est le plus sérieux ou le plus raisonnable ou qu'on a les meilleures idées. On gagne la confiance d'un peuple parce qu'on est capable d'incarner son ambition collective et ses valeurs fondamentales. Surtout en période de crise.

samedi 14 janvier 2012

Le paradoxe du jour

C'est Eva Joly, candidate du meilleur et du pire.

Le meilleur ? Ce clip sur les accents de la langue française :


C'est joyeux, c'est universel. On l'aime cette France là, qui parle en français pour se comprendre, mais un français de partout, riche des cultures pluricentenaires et des langues ancrées dans les régions françaises, riche des apports des francophones du monde entier et riche des trouvailles de tous ceux qui ont fait le choix à un moment de leur vie de parler cette langue.

Albert Camus disait que sa patrie, c'était la langue française. Mais l`écrivain ayant grandi en Algérie ne parlait certainement pas du français uniformisé, insipide et soi-disant "sans accent", parlé essentiellement à la télévision et qui est, en fait, l'accent de la télévision. Il voyait dans le français cette grande langue internationale qui unit les peuples par delà les cultures et les frontières et dont les "français de France" oublient souvent d'être fiers.

Mais, chez Eva Joly, il y a aussi le pire.

Le pire ? C'est cette proposition de faire de Kippour et de l'Aïd el-Kebir des jours fériés. Alors là, on n'est plus du tout dans la tradition universaliste de la République. Eva Joly souhaite par cette mesure faire avancer la laïcité mais, la laïcité, ce n'est pas un compromis entre les religions. Un compromis qui d'une part, comme tout compromis, créerait des insatisfactions (car quid des autres religions ?) et donc renforcerait les revendications communautaristes au lieu des les apaiser. Et un compromis qui d'autre part, laisse de coté le plus grand nombre des français qui, eux, ne croient pas ou ne pratiquent aucune religion. Les laisse de coté ou, pire, les somme de choisir un camp s'ils veulent exister.

La laïcité, c'est au contraire une organisation de la société telle que chacun est libre de croire ou de ne pas croire, de pratiquer une religion ou de n'en pratiquer aucune. Alors oui, la situation actuelle est certainement insatisfaisante mais il y a bien d'autres choses à faire comme tout simplement abolir les jours fériés d'origine catholique et donner autant de jours de congés supplémentaires aux travailleurs qui en disposeront selon leur bon vouloir. Et ce n'est qu'un exemple.

Entendons nous bien, quand je parle ici du meilleur et du pire, je ne juge pas sur une échelle absolue qui permettrait de savoir ce qui est bon ou non. Je parle des français. Des critères qui font que les français reconnaissent en un candidat quelqu'un qui est apte à incarner la République. Eva Joly, dans cette campagne, porte à la fois cette vision de la République tant mise à mal par Nicolas Sarkozy, une République juste, ouverte, irréprochable (je n'ai pas abordé ses propositions sur la lutte contre la corruption, par exemple, et bien d'autres encore) et une vision que les français, dans leur majorité, ont toujours rejetée. C'est bien dommage, car c'est une des raisons qui fait que les Verts font un score lors de la présidentielle bien inférieur qu'aux autres élections. 

mercredi 11 janvier 2012

Les conséquences du jour

Ce sont les «conséquences économiques et sociales comparables à celles provoquées par une guerre» qui nous sont promises par Bernard Accoyer, le Président de l’Assemblée nationale, en cas de victoire de la gauche en 2012. Ni plus, ni moins.
Alors que la campagne s’accélère, les propos de la droite deviennent de plus en plus violents et, à gauche, la riposte ne se pas fait attendre. Elle est de deux ordres. D’abord, les instances du Parti socialiste ont évidemment répondu en demandant des excuses pour ces propos exagérés. On peut lire à ce sujet le blog de Jean-Marc Ayrault, Président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale.
Deuxième type de riposte, plus légère mais redoutablement efficace, sur les réseaux sociaux et en particulier twitter où les sympathisants socialistes ont placé le mot-clef #silagauchepasse en tête des tendances du jour. Le but du jeu est simple et bien rodé : montrer le ridicule des propos de Bernard Accoyer en imaginant toutes les conséquences désastreuses que la France connaîtrait si la gauche passe en mai prochain. De cataclysmes météorologiques en promesses de représailles sanglantes, en passant par le remplacement de l’hymne national par une chanson de Justin Bieber, tout y passe et (presque) tout est drôle. L’occasion aussi de rappeler que déjà en 1981, la droite promettait que les chars soviétiques défileraient sur les Champs Elysées. François Mitterrand avait pourtant gagné.

C’est peut-être ce qui fait le plus plaisir aux soutiens de la gauche française dans ces propos. Ils estiment que si la droite en arrive à ces extrémités oratoires, c’est que ses responsables ne se font guère d’illusions sur les chances de réélection de Nicolas Sarkozy, qui n’a d’ailleurs toujours pas annoncé sa candidature.