lundi 21 juin 2010

l'insulte du jour

C’est évidemment celle proférée par Nicolas Anelka.

Je m’excuse d’abord de revenir dessus, mais je ne résiste pas au plaisir d’analyser cette superbe phrase : « Va te faire enculer, sale fils de pute ».

Replaçons-nous dans le contexte. L’équipe de France de football est à la mi-temps d’un match catastrophique face à une équipe qui ne la jamais battue avant. On peut donc imaginer qu’à ce moment précis, dans les vestiaires, la pression, la tension, l’enjeu immédiat sont tels que chacun parle avec ses tripes. Or voilà l’insulte la plus infamante que l’un d’eux (peut importe lequel d’ailleurs) a pu trouver.

Elle est en deux parties, cette insulte. Deux aspects très révélateurs de notre société, à mon avis.

D’abord une injonction : « va te faire enculer ».
La sodomie serait donc ce qu’il y aurait de plus dégradant, de plus avilissant qu’on puisse imaginer. Si dans un accès de colère on en vient à vouloir ce qu’il y a de pire pour quelqu’un, on l’imagine instinctivement en train de se « faire enculer ». Le fait que cette pratique sexuelle puisse être source de plaisir, qu’elle ne soit pas nécessairement liée à un rapport de domination est a fortiori loin d’être une évidence.

Un qualificatif ensuite : « sale fils de pute ».
Qu’est-ce qu’une « pute », d’abord ? Je ne pense pas qu’ici on doive s’en tenir à la définition stricte de la professionnelle du sexe. Il faut y voir au-delà le vieux clivage qui distingue dans l’esprit masculin la mère vierge et immaculée d’une part, et la putain qui se vautre dans la fornication et, pire que tout, y prend du plaisir. Ce dont tout homme aime se vanter, par ailleurs. Ainsi, pire que celui qui est né d’un animal (ce genre d’injure existe pourtant), celui qui est né d’une femme qui aspire, somme toute, simplement à la même chose qu’un homme est le résultat de l’ignominie la plus parfaite.

Mon but ici n’est pas d’accuser personnellement Nicolas Anelka d’homophobie et de sexisme parce que ce qu’il y a de plus terrible c’est qu’il a surement proféré cette injure sans y réfléchir, sous le coup de la colère la plus immédiate, dans un contexte où on ne peut pas prendre du recul sur ce que l’on dit. Ce qu’il y a de plus terrible, c’est que c’est la société dans laquelle il vit, dans laquelle nous vivons, qui a glissé ses paroles dans sa bouche. Le plus terrible, c’est que si la condamnation du geste est unanime, personne ne mesure l’effet désastreux de ces propos, qui sont quotidiens, que des millions d’hommes utilisent tous les jours, sur ceux qui les reçoivent en pleine face. Ce qu’il y a de plus terrible, au-delà de l’anecdote de vestiaire, c'est que notre société est profondément homophobe et sexiste.

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