mardi 21 septembre 2010

La (presque) remise en cause du jour

Une petite phrase, presque l’air d’un reproche, me trouble assez pour me faire remettre en question une position que je pensais pourtant bien solide : mon fédéralisme européen.

En effet, j’ai l’impression que certains militants souverainistes au Québec entendent notre fédéralisme comme identique à celui des fédéralistes ici. Ils semblent nous dire : «Pourquoi allez-vous vous enferrer dans cette galère dont nous voulons nous extraire ?». Et il est vrai que la question mérite d’être posée.

Dans l’hypothèse d’une fédération européenne, quelle sera la marge de manœuvre des gouvernements des états ? Les états les plus progressistes pourront-ils avoir les coudées franches ? Quelle serait notre réaction, par exemple sur l’avortement, si l’Union arbitrait démocratiquement en faveur des pays qui l’interdisent ?

Mais plus je passe de temps dans ce pays, plus je discute avec les gens et plus je m’intéresse à son histoire, plus je comprends qu’on ne peut pas faire de parallélisme entre le Canada et l’Europe. Pour une raison principale : vingt-sept états composent l’Union européenne, et au mois autant de peuples, sinon plus. En aucun cas, dans un régime démocratique, un seul peuple ne pourra imposer ses vues aux autres. La décision se fait, et se fera d’autant plus dans une fédération, sur des critères politiques. Pour reprendre mon exemple, je vivrai très mal une prohibition de l’avortement mais d’autres français pourraient la vivre bien. En tout état de cause, cette question est politique et non nationale. Et le rapport de force est susceptible de changer.

Par contre, outre les amérindiens, il y a deux peuples au Canada. Je ne saurais pour l’instant dire s’il est pertinent ou non de faire l’indépendance, mais il est certain que, dans un système où la prise de décision se fait à la majorité, les canadiens français ont toujours subi, et subiront encore, les décisions prises par les canadiens anglais. Certes, la spécificité des canadiens français est de plus en plus reconnue par le Canada, mais on ne peut pas faire abstraction de plusieurs siècles d’histoire où, objectivement, il a plus souvent été question d’assimilation des canadiens français (comprendre disparition de leur culture) que de respect. Cette question garde donc principalement un caractère émotionnel.

Pour conclure provisoirement, je suis un peu rassuré : même si je venais à admettre que la souveraineté du Québec est souhaitable, ça n’aurait pas d’incidence sur mon avis en faveur du fédéralisme européen. Par contre, et c’est exactement pour ça que je suis ici, je suis de plus en plus conscient des garanties qu’il faut établir avant de se lancer de manière irréversible dans cette voie.

2 commentaires:

  1. cela dit, les questions sociétales sont une choses, les questions économiques et sociales une autre... il est probablement relativement facile de trouver un consensus libéral sur la protection sociale (retraites...) à l'échelle d'une majorité des 27 pays...

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  2. Effectivement. Mais ça reste une question transnationale de rapport de force politique. Si nous avions une Internationale digne de ce nom, ou ne serait-ce qu'un PSE digne de ce nom, leur rôle serait de mobiliser au delà des frontières pour porter collectivement une alternative qui aurait l'espoir d'être un jour majoritaire.

    Bien sûr que ce raisonnement est aussi valable pour le Canada, dans l'absolu. Sauf qu'on ne peut pas faire abstraction de l'histoire et du sentiment profond des populations. L'histoire du Canada, c'est l'histoire de la colonisation britannique d'un territoire francophone. Le Canada n'est un pays véritablement souverain que depuis 1982 et la reine d'Angleterre est encore le chef de l'Etat. Par conséquent, le sentiment d'être canadien, et non britannique, commence à peine à se diffuser dans le Canada anglophone. La fédération, ici, n'a pas été une union construite par les peuples mais une simple division administrative d'un territoire gouverné depuis Londres. Le Québec, à l'unanimité de ses parlementaires (fédéralistes inclus), a fait le choix de ne pas ratifier la constitution canadienne en 1982 tellement tout le processus s'est passé sans eux, voire contre eux. Et, 30 ans après, personne ne songe à proposer une ratification.
    Même les frontières du Québec sont encore l'objet d'un litige entre les gouvernements provincial et fédéral.

    Je peux comprendre, dans ce contexte, qu'une majorité de québécois ne trouve pas pertinent de s'investir dans la politique fédérale.

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