mardi 8 mai 2012

Le caméléon du jour

C'est Nicolas Sarkozy.

Celui qui est encore Président de la République en exercice pour quelques jours sera rentré dans tous les costumes durant cette campagne. Il a d'abord voulu reprendre la posture de François Mitterrand, Président serein qui laisse le temps au temps, le premier à affronter victorieusement une réélection. Mais pressé par l'UMP paniqué à la vue des sondages et conseillé par des anciens (parfois pas si anciens) de l'extrême droite qui ont la haine de tout ce qui est de gauche chevillée au corps, il finit pas céder et anticipe sa candidature. Dans la précipitation, il semble même oublier que Mitterrand, tout comme Chirac, a été réélu alors qu'il sortait d'une période de cohabitation et que donc la politique gouvernementale ne pouvait lui être imputée. Comment le Président de tous les pouvoirs pouvait-ils jouer ce rôle ? De plus, Mitterrand avait un vrai bilan symbolique dont il pouvait être fier, avec l'abolition de la peine de mort, la dépénalisation de l'homosexualité, les radios libres, etc. Toutes ces choses qui font qu'un Président peut rassembler les républicains au delà de son camp. Ça ne pouvait pas marcher.

Face à ce premier échec stratégique, il a pris le costume de Giscard, le Président qui a l'expérience des crises et qui est le plus compétent pour continuer à conduire le pays dans la conjoncture actuelle. Mais il fait face aux mêmes écueils que ceux qui ont fait perdre son prédécesseur : le bilan catastrophique, les affaires, la stature internationale pas si reluisante... Les mêmes causes produisant les mêmes effets, auxquels on peut ajouter la teinte brune qui a coloré tout son mandat et qui s'est particulièrement accentuée entre les deux tours, l'échec stratégique est devenu un échec tout court. François Hollande est le nouveau Président de la République.

Mais Nicolas Sarkozy tente une nouvelle expérience. Maintenant qu'il part, peut-être songe-t-il enfin à la trace qu'il va laisser. Alors il tente la stratégie Chirac. Le Président bonhomme qui fait un discours d'adieu tout personnel et bien simple, qui invite benoîtement son successeur à le seconder dans les cérémonies officielles, en républicain exemplaire. Dira-t-on bientôt de Sarkozy ce qui se dit de Chirac ? Ce Président, petit vieux un peu gaga qui est finalement bien sympathique et à qui on excuse bien des choses ? Nouvelle erreur s'il l'on m'en croit.

Car d'abord Sarkozy ne part pas parce qu'il est vieux, mais parce qu'il a perdu. Là encore il se destine plutôt à une longue carrière à la Giscard, errant dans les limbes tel celui qui a été mais dont on ne peut pas encore dire qu'il n'est plus. Puis si on regrette Chirac, c'est parce que Sarkozy lui-même. Difficile de croire qu'on va regretter Sarkozy parce que Hollande. Enfin et surtout parce que Chirac s'est engagé très tôt dans la voie de la vacuité politique, laissant gouverner le gouvernement, ce qu'on ne saurait lui reprocher d'ailleurs. Il n'a finalement été lui-même en première ligne que pour la gloriole comme lors du veto français à la guerre en Irak. Sarkozy a d'emblée fait le choix d'être responsable de tout. Il faudra donc qu'il assume et la semaine qui le sépare de l'investiture de son successeur ne suffira pas à faire oublier toutes les bonnes raisons pour lesquelles les français n'en veulent plus. Et espérons que la justice ne va pas non plus lui accorder ce traitement de faveur.

Finalement, Nicolas Sarkozy n'est que lui-même. Il avait pensé sa vie pour devenir Président et, une fois fait, tout n'a été qu'improvisation. Maintenant c'est sa famille politique qui va en faire les frais. Son attitude soudain républicaine coupe court à la stratégie de "3e tour" des législatives développée par l'UMP en donnant toute légitimité à François Hollande. Et tout son mandat ayant renforcé la frange tentée par le rapprochement avec l'extrême droite face aux républicains de souche gaulliste, le parti sort de cette campagne profondément divisé.


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