mardi 22 mai 2012

La jeunesse du jour

Ce n'est pas si simple de définir la jeunesse, pour moi, parce que je n'arrive pas à la concevoir comme un ensemble uniforme. Mais il y a visiblement un point commun à tous les jeunes, comme une définition en creux : ils posent un vrai problème à leurs aînés.

Des jeunes qui veulent renverser la société, l'ordre établi ou quoi que se soit, il y en a toujours eu. Et fort heureusement pour le progrès de l'humanité. Mais pour la première fois dans l'histoire, ils font face à une masse vraiment imposante de personnes âgées. Autrefois, les vieux étaient morts. Maintenant ils vivent longtemps. A priori, c'est une chance pour partager et s'enrichir mutuellement. Mais ce n'est pas possible sans, au préalable, une écoute réciproque et une juste répartition des pouvoirs et des richesses. C'est là que le bât blesse car ils ont le pouvoir, ils ont l'argent, ils ont vécu leur jeunesse durant les 30 glorieuses et en ont un souvenir qui les rend sourds à la vie réelle des jeunes d'aujourd'hui.

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, avec la reconstruction, avec la décolonisation, tous les pays ou presque se sont dotés de nouvelles institutions adaptées aux réalités de l'époque. Mais le sont-elles encore ?

Jusqu'en 1989, le Mur de Berlin plaçait le monde face à une alternative politique simple et claire qui structurait la pensée de chacun. Les jeunes nés en 1989 et après atteignent désormais l'âge d'être des citoyens à part entière et n'ont jamais connu rien d'autre que le capitalisme mondialisé et ses crises à répétition. Peut-on s'étonner qu'ils rejettent ce modèle ? Ne peut-on entendre que certains essaient d'en imaginer un autre ?

La libération des mœurs et l'apparition des moyens modernes de contraception ont donné à toute une génération la chance de s'aimer librement. Mais avec l'apparition du Sida, les jeunes d'aujourd'hui n'ont jamais pu envisager cet acte aussi simple, aussi naturel, aussi instinctif que l'amour sans avoir à considérer la mort, sans cette atroce suspicion vis-à-vis de celui ou celle avec qui on va pourtant être si intime. Est-il possible que cela crée une sorte de frustration plus ou moins consciente ?

L’environnement a indéniablement été endommagé par ceux qui n'auront pas à en subir les conséquences parce qu'ils vont mourir. Mais peut-on écouter l'inquiétude et le sentiment d'injustice légitimes de ceux qui vont vivre ce siècle et qui vont devoir assumer ces choix qu'ils n'ont pas fait ?

Alors vient le jour où une goutte d'eau fait déborder le vase.

Vient le jour où, poussé à bout par un régime totalitaire et corrompu, un jeune marchand ambulant s'enlève la vie et où ses camarades décident de ne pas accepter cet ultime injustice.

Vient le jour où cette génération se fait expliquer par des décideurs, des experts auto-proclamés, qu'elle n'a jamais élus et en qui elle n'a aucune confiance, qu'il est temps de régler des dettes qu'elle n'a jamais contractées et où elle décide de se tenir debout.

Vient le jour où des gouvernements endoctrinés tentent, après avoir dilapider le bien public au profit d'amis financièrement puissants, de convaincre les jeunes que c'est à leur tour de "faire leur juste part", c'est à dire de payer pour prendre soin de la génération précédente en même temps que d'assumer tous seuls leurs propres besoins et d'investir pour les générations futures.

Chaque jeune est une personne à part entière, différente de son voisin du même âge, avec sa réalité et ses aspirations propres. Mais dans les yeux de ceux qui ne les considèrent pas comme des citoyens adultes, qui ne les entendent ni ne les voient, qui les caricaturent pour faire mine de les connaître, ils ne forment qu'une seule jeunesse. Et le temps est arrivé qu'elle prenne le pouvoir. Cela se passera de toutes façons. Espérons simplement que ceux qui le détiennent seront assez responsables pour le partager de bonne grâce sinon, et les évènements actuels le montrent, non seulement ils perdront parce qu'on ne gagne pas contre le sens de l'histoire, mais ils seront responsables devant l'histoire.

l'une des affiches créées par l'Ecole de la Montagne Rouge pendant le mouvement étudiant qui agite le Québec

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